Une grande bâche, apposée sur l’échafaudage d’une façade, contient le texte suivant :
« Brahim est ouvrier.
Pas le temps de téléphoner, il arrête pas de bosser.
Mais quand c’est son patron, ou pire sa dulcinée,
il doit tout arrêter, obligé de décrocher.
Du coup, une prépayée, pour lui c’est parfait,
pas besoin de plus pour se faire engueuler. »
En dessous :
« Base prépayée
Juste bien ».
1) La plaignante a communiqué que depuis plusieurs années, des efforts sont faits à tous les niveaux de la société pour inculquer à tous le respect des femmes et l'égalité homme-femme et que la vision rétrograde de la "femme chiante" dans une publicité en 2020 est totalement inappropriée.
Selon elle, l’annonceur considère 1) que la femme dérange son compagnon pendant son boulot (elle est "pire" que le patron d'ailleurs), 2) que le pauvre homme est obligé de répondre 3) qu'il va d'office se faire engueuler. Répandre des stéréotypes négatifs qui partent du postulat qu'une femme va toujours "engueuler" son compagnon quand elle l'appelle n’est pas éthiquement acceptable en 2020.
La plaignante a ajouté que si par impossible, l’annonceur invoquait le second degré de son message, il faudrait tout de même prendre en compte le fait qu'un message écrit est, la plupart du temps, lu au premier degré dès lors que le lecteur n'a ni le contexte, ni le ton permettant de comprendre cet "humour". L'humour doit être adapté à son public et lorsque le public comprend la totalité de la Belgique, il convient de s'adapter à toutes les sensibilités.
2) Selon la plaignante, ouvriers, patrons et femmes sont stéréotypés et dénigrés dans cette publicité : l’ouvrier qui travaille sans relâche comme un larbin, dont les seules interruptions sont des coups de fils qui « l’obligent à s’arrêter », et les clichés de la copine chiante et du connard de patron sont encore bien présents et véhiculés.
Elle trouve également dérangeant que cette publicité relaie comme étant normal que Brahim, l'ouvrier, n’ait même pas le temps pour un appel, ou pour un peu de vie privée, ce qui est pourtant la norme en Belgique. De plus, il est présenté plutôt comme incompétent vu les engueulades.
3) La plaignante a communiqué que cette publicité diffuse les pires stéréotypes de genre, de classe et d'origine.
4) Selon le plaignant, il s’agit de sexisme (les femmes sont pires que les patrons, elles téléphonent juste pour engueuler) et de discrimination de classe (ce n'est qu'un ouvrier, c’est normal qu'il se fasse engueuler par son patron).
L’annonceur a communiqué qu’il regrette fortement et s’excuse que sa publicité ait pu choquer. En tant que marque inclusive, il affiche fièrement les différents profils de ses clients dans sa communication et s’efforce de retranscrire, le mieux possible, certaines de leurs tranches de vie. Il a voulu faire une campagne reconnaissable et sympathique et n’avait pas l’intention de choquer. Il comprend le ressenti et par respect pour chacun, il a décidé de retirer la bâche en question et en tiendra compte lors des prochaines campagnes.
Le Jury a pris connaissance du texte de la bâche publicitaire en question et des plaintes qui la concernent dans lesquelles il a constaté les différentes interprétations données au texte en question.
Suite à la réponse de l’annonceur, il a bien noté la volonté de celui-ci d’incarner une marque inclusive en partant, dans sa communication, des différents profils de ses clients.
Le Jury est d’avis qu’il s’agit en effet ici d’une communication factuelle pour mettre en avant les avantages de la carte prépayée et non d’une prise de position négative de l’annonceur à l’égard des ouvriers, des femmes ou de tout autre groupe de population.
Dans ce contexte, la publicité en question n’est selon lui pas de nature à contribuer à perpétuer des préjugés sociaux ou des images stéréotypées allant à l’encontre de l’évolution de la société et n’est pas non plus de nature à dévaloriser la personne humaine quelle que soit la catégorie à laquelle elle appartient.
Le Jury a dès lors estimé que la publicité n’est pas contraire aux Règles du JEP en matière de représentation de la personne.
A défaut d’infractions aux dispositions légales ou autodisciplinaires, le Jury a estimé n’avoir pas de remarques à formuler sur ces points.
Il a cependant bien pris note du fait que l’annonceur, suite aux réactions reçues, a décidé de retirer la bâche en question.
A défaut d’appel, ce dossier a été clôturé.
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