Les photos envoyées par les plaignants des affiches publicitaires mobiles sur des remorques montrent la représentation du côté droit du buste d’une femme en soutien-gorge ou négligé en dentelle qui en tire la bretelle vers le bas avec, en fonction des affiches, les textes respectifs :
“Hey studenten! O, -Een studentlening? Date een sugar daddy”;
“Hey les étudiantes! Améliorez votre style de vie. Sortez avec un sugar daddy”;
“Hé Studenten! Upgrade je levensstijl. Date een sugar daddy”.
En dessous, le nom du site web de l’annonceur et « site de rencontre n°1 en Belgique pour sugarbabies et sugardaddies ».
1) Le plaignant a communiqué que de nombreux étudiants doivent gagner de l’argent pour payer leurs études. Beaucoup de filles de mères célibataires peuvent être tentées par la publicité d’y donner suite. Selon lui, ces filles sont directement poussées vers la prostitution.
2) Selon le plaignant, c'est le genre de publicité qui choque la morale publique. On tente d'exploiter la faiblesse d'autrui en invoquant des motifs d'argent facile (« améliorez votre style de vie »).
3) Le plaignant a communiqué que cette publicité, qui cible les étudiantes, présente un caractère fortement sexiste et peut être considérée comme incitant à la prostitution étudiante.
4) Pour le plaignant, cette publicité aux alentours des universités est révoltante car elle utilise la situation de plus en plus précaire d’étudiantes, motive à une sorte de prostitution et est sexiste (texte « Hey les étudiantes », femme qui se déshabille et slogan clair : « sortez » avec quelqu’un pour améliorer le style de vie).
5) Le plaignant a souligné que cette publicité est un appel direct à la prostitution qui vise les étudiant(e)s. Quels que soient les dispositifs légaux concernant la prostitution elle-même, cette publicité qui encourage les jeunes gens à céder à l'illusion d'une vie de meilleure qualité dans la prostitution est une publicité mensongère. On sait en effet que la prostitution, par son rapport de dépendance, avilit les personnes qui se rendent à cette forme d'exploitation. La publicité présente cela comme un avantage mutuel mais passe sous silence le fait que le/la prostitué(e) subira de fait des dommages psychologiques - voire corporels - avec des conséquences parfois désastreuses sur le long terme. Il y a en effet un rapport de dépendance induit par l'échange d'argent qui peut être perçu comme très humiliant a postériori.
6) Selon le plaignant, il s'agit d'une publicité sexiste (elle s’adresse exclusivement aux étudiantes) faisant l'apologie de la prostitution estudiantine.
7) Le plaignant trouve insupportable de voir un panneau publicitaire faisant la promotion de la prostitution étudiante aux abords des campus. Cela reflète non seulement le sexisme institutionnel mais aussi la précarisation croissante dans notre société où de plus en plus d'étudiantes en arrivent à se prostituer pour payer leurs études.
8) Le plaignant a communiqué que cette campagne sexiste réduisant les femmes à des personnes n'ayant pour subvenir à leurs besoins d'autres choix que de vendre leur corps est dégradante et constitue une incitation à la prostitution qui profite des difficultés croissantes de certain(e)s.
9) Pour le plaignant, la publicité est un pur exemple de sexualisation et d'objectivation du corps de la femme (pas de visage visible mais seulement des seins). Le message suggère clairement le concept du site internet qui favorise l'exploitation des jeunes étudiantes financièrement vulnérables.
10) Pour le plaignant, cette publicité choquante est le signe de la précarisation des conditions de vie des étudiantes et met en lumière les perspectives de jeunes poussés vers des situations de dépendance. Un site de rencontre ne s’offusque même plus de s’appuyer sur la difficulté à payer ses études pour attirer des jeunes filles vers des relations « semi-tarifées » sous couvert de mécénat. Le plaignant ajoute que l’encouragement de la prostitution étudiante est une nouvelle limite franchie dans le recul des droits des femmes auquel nous assistons ces dernières années sous couvert d’austérité.
11) Pour le plaignant, il est inacceptable que la société permette des pratiques où les jeunes, dans une situation financière difficile, utilisent leur corps pour être plus à l’aise. Il déteste l’image - aussi ludique qu'elle puisse être - de cette publicité. Selon lui, c'est une image injuste et un cliché des hommes et des femmes.
12) Le plaignant trouve la manière visuelle dont la femme est présentée objectivante et le fait qu’elle ne vise que les jeunes femmes et les hommes plus âgés un stéréotype de genre. Il a également communiqué que les jeunes femmes sont encouragées dans cette publicité à avoir des relations sexuelles pour des raisons financières. Ceci encourage donc l'idée parmi les jeunes femmes que le sexe ne doit pas suivre leurs propres besoins ou désirs, mais des facteurs externes (par exemple financiers).
13) Cette campagne vise en majorité de très jeunes femmes et fait référence à des stéréotypes contre lesquels le plaignant s’insurge. Elle donne une image dégradante des femmes, les présentant comme intéressées par les cadeaux futiles et un style de vie luxueux, aspirant à être considérées comme des « poupées » ou des « princesses ». Or la réalité est bien différente. La majorité des jeunes femmes ne se projettent heureusement pas comme objet sexuel et de consommation que ce type de publicité induit. Si nombre de jeunes étudiantes sont précarisées, la prostitution déguisée n’est pas la solution que l’on peut voir proposer dans l’espace public.
14) Le plaignant a communiqué que la photo publicitaire et le terme « sugardaddy » ont une connotation sexuelle évidente et incitent à la prostitution, dans des lieux choisis délibérément (écoles) et vis-à-vis d'un groupe cible choisi (étudiants en difficulté financière).
15) Le plaignant est choqué de voir qu’une publicité incitant de manière très peu détournée à la prostitution cible les jeunes étudiantes en situation de vulnérabilité financière, ou non. Sans porter de jugement moral sur la prostitution en tant que telle, il dénonce toute forme d’exploitation qui en est faite. Enfin, le terme « étudiante » n'étant pas réservé aux universitaires majeures, cette campagne peut aussi attirer l'attention de mineures, encore en secondaires.
16) Selon le plaignant, l'image et l'ensemble de la publicité témoignent d'une vision totalement dépassée des hommes et des femmes et cette publicité pour abus de pouvoir concerne l'exploitation de la position vulnérable de jeunes gens moins favorisés à partir d'une vision patriarcale et sexiste des hommes et des femmes, qui favorise la dépendance financière des femmes pour leur avenir.
Plusieurs plaintes supplémentaires de même nature/portée n’ont pas été traitées séparément, conformément à l’article 5, alinéa 5 du Règlement du JEP. Au total, le Jury a reçu 99 plaintes relatives à la publicité en question.
L’annonceur a communiqué que “RichMeetBeautiful” est un service permettant de mettre en relation, par affinités, des hommes et des femmes qui évoluent dans l’aisance financière et qui connaissent le succès. Le créneau est de mettre en relation des personnes en situation d’aisance financière avec d’autres qui peuvent se prévaloir d’autres avantages.
Il s’agit d’un réseau social en ligne, comme Facebook, Instagram et autres. Les utilisateurs créent leur profil et sont donc responsables de leurs actions. Ils sont conscients qu’il existe des lois en vigueur et le site est tout autant responsable de son côté. Le site s’attache à respecter l’environnement tant juridique que culturel des pays dans lesquels il est amené à offrir ses services, ce qui ne se limite donc pas à la Belgique, mais s’étend jusqu’aux 33 pays dans lesquels le site est actif.
La principale cause des critiques et des réactions en Belgique est une affiche publicitaire mobile proche des universités, qui a créé des réactions d’indignation et de stupeur véhiculées ensuite dans tous les médias et par une grande partie du public. Le site a été accusé dans les médias de favoriser la prostitution.
Selon l’annonceur, l’objectif était de promouvoir les avantages réels et possibles d’une relation amoureuse entre des hommes ou des femmes en situation d’aisance financière, permettant donc à un couple de bénéficier mutuellement d’une certaine liberté financière et d’améliorer ainsi le style de vie.
Il a néanmoins pris acte du fait que la communication sur ce thème n’a pas été appropriée. En conséquence, la campagne visant les étudiants et tous les panneaux d’affichage mobiles ont été retirés.
Le Jury a tout d’abord noté que la publicité litigieuse fait la promotion du site internet « RichMeetBeautiful », un « site de rencontre pour sugarbabies et sugardaddies » selon les termes de la publicité elle-même.
Suite aux photos envoyées par les plaignants, il a également noté que cette publicité utilise pour ce faire une représentation du côté droit du buste d’une femme qui ne porte qu’un soutien-gorge ou négligé en dentelle et qui en tire la bretelle vers le bas avec, en fonction des affiches, les textes respectifs :
“Hey studenten! O, -Een studentlening? Date een sugar daddy”;
“Hey les étudiantes! Améliorez votre style de vie. Sortez avec un sugar daddy”;
“Hé Studenten! Upgrade je levensstijl. Date een sugar daddy”.
Il a de plus pris note du fait que ces affiches ont été diffusées au moyen de remorques qui ont entre autres circulé à proximité de campus bruxellois.
Le Jury a constaté que le service présenté suscite des questions non seulement sur le plan légal et pénal mais aussi sur le plan éthique et moral, comme cela ressort également du contenu des nombreuses plaintes qu’il a reçues.
Néanmoins, le Jury souhaite rappeler qu’il ne ressort pas de sa compétence en tant qu’organe d’autodiscipline en matière de publicité de se prononcer sur le service même qui fait l’objet de la publicité.
Le Jury a par ailleurs noté que cette affaire fait aussi l’objet d’une enquête pénale menée par les instances compétentes et souligne qu’il ne lui appartient pas de se prononcer en la matière.
Ce qui précède n’empêche cependant pas le Jury de se prononcer sur le contenu de la campagne publicitaire en question, sur la base des codes éthiques dont il assure le respect.
À cet égard, le Jury est d’avis que la publicité, en visant clairement un public féminin de jeunes et d’étudiants et en se référant tout aussi manifestement à une situation financière précaire ou non satisfaisante, est de nature à abuser de la vulnérabilité des destinataires de la publicité.
Le Jury a dès lors estimé que la publicité en question témoigne d’un manque de juste sens de la responsabilité sociale dans le chef de l’annonceur.
Le Jury est en outre d’avis que la publicité instrumentalise et dévalorise les femmes compte tenu du visuel et des termes utilisés.
Selon le Jury, la publicité induit également l’image selon laquelle une femme ne pourrait pas assurer son indépendance financière sans l’intervention d’un homme et sans utiliser son apparence physique comme facteur déterminant.
Le Jury est dès lors d’avis que la publicité contribue ainsi à perpétuer des stéréotypes relatifs aux femmes et aux relations homme-femme qui vont à l’encontre de l’évolution de la société et qui sont dénigrants tant pour les femmes que pour les hommes.
Le Jury a dès lors également estimé que la publicité en question porte atteinte à la dignité humaine.
Vu ce qui précède et sur la base des articles 1, 4 et 12 du Code de la Chambre de Commerce Internationale (ICC Code) et des Règles du JEP relative à la représentation de la personne, le Jury a dès lors demandé à l’annonceur de ne plus diffuser cette publicité.
A cet égard, le Jury a noté, suite à la réponse de l’annonceur, que la campagne d’affichage en question a déjà été arrêtée.
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