Le spot TV montre une femme qui boit du thé dans un divan. Un homme lit le journal à côté d’elle. On entend un enfant crier « Maman ! ». La femme se lève d’un bond et, stressée, court chercher son téléphone dans son sac. Pendant ce temps, le garçon se lève de son lit et descend en criant plusieurs fois « Maman ! ». Quand il arrive en bas, sa mère est assise, son téléphone en main, et fait un signe comme quoi elle est occupée. Elle rit au téléphone. L’enfant se retourne alors et appelle « Papa ? ». L’homme tourne la tête puis regarde le garçon en soupirant.
VO : « Il n’y a pas de meilleure excuse qu’un coup de téléphone. Appelez en illimité pour seulement 20€ par mois avec Koala Limited Edition. ».
On voit ensuite l’homme et la femme dans le divan devant la TV. Quand ils entendent l’enfant crier « Maman ! », ils portent tous deux leur téléphone à l’oreille.
Texte à l’écran et VO : « Vous rapprocher de l’essentiel. Orange. ».
1) Le plaignant se réfère à la publicité où un enfant appelle ses parents alors que ceux-ci utilisent leur abonnement illimité pour ne pas lui répondre. Il trouve triste de mettre l'accent sur un abonnement de gsm plutôt que sur l'angoisse de son enfant.
2) Pour le plaignant, il est inadmissible qu'une telle publicité, qui prône l'emploi d'un gsm à la place de répondre à son enfant en bas âge, ait sa place dans des programmes TV.
3) Le plaignant renvoie à la baseline « Orange vous rapproche de l’essentiel » et pense que dans ce spot, on passe justement à côté de l’essentiel. Il se demande où on va si le gsm passe au-dessus de s’occuper de son enfant et de l’aider à surmonter un mauvais rêve ou un souci. Selon lui, ce spot entrave les vraies communications familiales tellement indispensables.
4) La plaignante trouve amoral de préférer téléphoner que de répondre à une demande de son enfant et ajoute que la première chose importante quand on a des enfants, c'est de les écouter.
5) Selon la plaignante, faire de la publicité pour nier ses enfants parce que téléphoner avec Orange est plus important dépasse les bornes.
6) Le plaignant trouve cette publicité honteuse et se demande si nos enfants sont devenus si peu importants, si leur appel n'est plus essentiel et quel message on leur donne.
Plusieurs plaintes supplémentaires de même nature/portée n’ont pas été traitées séparément, conformément à l’article 5, alinéa 5 du Règlement du JEP. Au total, le Jury a reçu 12 plaintes relatives au spot en question.
L’annonceur a communiqué qu’il n’a jamais eu l’intention de susciter l’idée que les parents ne prêtent pas attention à leur enfant ou que l'utilisation de leur smartphone prend le pas sur le bien-être de leur enfant. Il utilise une situation courante chez les jeunes parents, où l’enfant s'amuse à se lever constamment sans raison et ceci, plusieurs fois par semaine et par nuit, et où la question entre les parents est la suivante : qui remet l'enfant au lit pour la énième fois. Il utilise donc une situation existante et courante de manière exagérée et légère. Négliger le bien-être de l'enfant ne correspond absolument pas aux valeurs de la marque.
Le Jury a examiné la publicité en question en tenant compte des arguments des parties concernées.
Le Jury est d’avis que le spot TV concerné montre des parents qui veulent échapper à leur responsabilité parentale et prétextent un appel téléphonique pour ce faire.
Vu le contexte sociétal actuel, où les parents ont de moins en moins de temps à accorder aux enfants et où un certain usage abusif du smartphone est perçu comme étant au détriment des relations humaines, il semble déplacé au Jury de le mettre ainsi en avant dans ce spot.
Le Jury est d’avis que la relation parent-enfant est présentée de manière négative dans ce spot. Il est également d'avis que cette publicité n'est pas seulement de nature à déstabiliser les enfants mais aussi à choquer des adultes dans la mesure où la scène concernée va à l'encontre du rôle à assurer par les parents envers les enfants.
Suite à la réponse de l’annonceur, le Jury a noté que celui-ci avait l’intention de mettre en scène un enfant qui s’amuse à sortir de son lit de façon répétée et sans raison. Selon le Jury, ceci ne ressort néanmoins pas clairement du spot. De plus, en ce qui concerne le caractère exagéré et ludique de la publicité allégué par l’annonceur, le Jury attire l'attention sur le fait que l'humour ne supprime jamais la responsabilité de l'auteur de la publicité et ne peut rendre la publicité contraire aux règles de l'éthique publicitaire.
Par rapport au fait que la scène représenterait une situation courante chez les jeunes parents, comme le souligne l’annonceur, le Jury est d’avis que, même si dans les faits, cette situation peut faire partie d’une certaine réalité, la façon dont elle est montrée dans ce spot TV induit que celui-ci semble la cautionner et la banalise.
Le Jury a dès lors estimé que le spot TV ne témoigne pas d’un juste sens de la responsabilité sociale dans le chef de l’annonceur, ce qui est contraire à l’article 1, alinéa 2 du Code de la Chambre de Commerce Internationale.
Eu égard à ce qui précède et sur la base de la disposition susmentionnée, le Jury a demandé à l’annonceur de modifier la publicité en question et à défaut, de ne plus la diffuser.
L’annonceur a interjeté appel contre la décision du Jury de première instance.
Selon l’annonceur, la décision du Jury de première instance est tout d’abord de nature réductrice. Il a communiqué que la campagne Koala est le reflet de tous les aléas de la vie (famille / travail / voisinage / couple / …) et que les 5 créations différentes (radio & TV) soulignent tous ces aspects séparément et créent, ensemble, un miroir cohérent. Il n’y a donc pas de volonté spécifique de se concentrer sur ou de cautionner une ‘démission parentale’ et des relations ‘parent – enfant’ déficientes.
Il est également d’avis que la décision est de nature rationnelle. L’exagération créative et l’humour sont une manière usuelle de détourner une situation reconnaissable et d’y associer une solution pour le moins absurde. L’annonceur est confiant que le public, dans sa majorité, a saisi le second degré et s’appuie pour cela sur son monitoring ‘Social Media’ qui n’a pas relevé de soucis majeurs dans le chef de ce spot TV.
Finalement, l’annonceur trouve que la décision de première instance est de nature subjective. Il a analysé l’article 1, alinéa 2 du Code de la Chambre de Commerce Internationale et, en tant qu’annonceur, ne peut que constater que cet alinéa est extrêmement vague, subjectif et qu’il prête à confusion. La notion de « juste sens de la responsabilité sociale » est selon lui de nature personnelle et permet de ce fait d’à peu près réfuter toutes les campagnes.
Les plaignants 2 et 6 regrettent que l’annonceur ait interjeté appel contre la décision et ont pour le reste essentiellement repris leur argumentation de première instance.
Le Jury d’appel a pris connaissance du contenu du spot TV pour Orange en question et de tous les éléments et points de vue communiqués dans ce dossier.
Il a noté que le Jury de première instance a estimé que ce spot est contraire à l’article 1, alinéa 2 du Code de la Chambre de Commerce Internationale, qui stipule que toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle.
À cet égard, le Jury d’appel tient tout d’abord à souligner qu’il est bien conscient que le spot contient différents éléments caricaturaux qui montrent clairement l’intention humoristique de l’annonceur et qu’il ne doute pas de la bonne foi de l’annonceur quant à son intention de n’utiliser dans ce spot qu’une situation existante et courante d’une manière exagérée et ludique.
Il partage néanmoins l’avis du Jury de première instance que ceci n’empêche pas que ce spot, même si ce n’est pas intentionnel, présente la relation parent-enfant d’une manière négative et est de nature à créer de la confusion chez des enfants en ce qui concerne la relation de confiance entre parents et enfants.
Compte tenu de ceci, le Jury d’appel a également estimé que le spot TV en question est contraire à l’article 1, alinéa 2 du Code de la Chambre de Commerce Internationale.
Le Jury d’appel déclare donc la requête d’appel non fondée et confirme la décision du Jury de première instance.
Le Jury d’appel a demandé dès lors à l’annonceur de modifier la publicité et à défaut de ne plus la diffuser.
La décision du Jury d’appel est définitive.
L’annonceur a confirmé qu’il n’utilisera plus le spot TV en question.
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