EASY-M – 10/11/2015

Description de la publicité

Sur la page du webshop du site internet, consacrée à l’iPhone, figurent 4 types d’iPhone avec respectivement leur dénomination, une représentation visuelle, le prix et 3 caractéristiques de l’appareil en question. En cliquant sur l’iPhone 6, on arrive sur une page du webshop avec une description plus précise de l’appareil et la possibilité de choisir la couleur et la capacité de stockage.

Motivation de la plainte

Selon le plaignant, il s’agit d’un message publicitaire pour l’iPhone 6 figurant sur le site internet d’Easy-M, notamment sur les pages du site internet consacrées à l’iPhone.

Le consommateur y a la possibilité de choisir la couleur et l’espace de stockage. Le choix de l’espace de stockage détermine le prix de l’appareil.

Aucune réserve n’est faite quant à la capacité de stockage réellement mise à la disposition des consommateurs. Aucun lien n’est par ailleurs fait vers d’autres pages du site ou vers le site du fabricant, de manière à fournir au consommateur des indications complémentaires à propos de la capacité de stockage qui sera effectivement mise à sa disposition.

Selon le plaignant, il s’agit d’une publicité trompeuse.

Désormais, la plupart des consommateurs possèdent un smartphone comparable, dans ses fonctionnalités principales, à l’iPhone 6 mentionné dans la publicité litigieuse. L’appareil est toujours utilisé pour téléphoner, mais aussi (et surtout) pour y stocker en masse de la musique, des films, des livres, des photos, des vidéos et des applications en tous genres.

Contrairement à ce que la publicité lui fait croire, le consommateur ne disposera pas de 16, 64 ou 128 GB pour stocker ses données. Avec le logiciel d’exploitation et d’autres applications préinstallées par le fabricant, l’utilisateur dispose d’une capacité de stockage nettement plus réduite.

Position de l'annonceur

Le Jury a examiné la publicité en question dans le cadre des articles 4 et 6 de son règlement (voir www.jep.be, rubrique “Règlement”) qui disposent qu’en cas d’irrecevabilité, d’infractions manifestes ou d’absence manifeste d’infractions, l’annonceur n’est pas invité à communiquer son point de vue.

Décision du Jury

Le Jury a pris connaissance de la plainte et des pages du site internet auquel elle se réfère.

Le Jury a constaté que la plainte mentionne la page du webshop du site internet, consacrée à l’iPhone. Il a également constaté que sur cette page figurent 4 types d’iPhone avec respectivement leur dénomination, une représentation visuelle, le prix et 3 caractéristiques de l’appareil en question. En cliquant sur l’iPhone 6, on arrive sur une page du webshop avec une description plus précise de l’appareil et la possibilité de choisir la couleur et la capacité de stockage.

Le Jury s’est référé à l’article 2 de son Règlement qui détermine sa compétence et qui stipule entre autres que le Jury est compétent pour l’examen de messages publicitaires diffusés sur internet.

Le Jury a également précisé qu’il est de pratique constante qu’en ce qui concerne internet, sa compétence se limite au contenu publicitaire en tant que tel (banner, pop-up, action promotionnelle, …) et qu’il n’est pas compétent en ce qui concerne la seule présentation des caractéristiques d’un produit/d’un service.

Le Jury a dès lors estimé qu’il ne ressort pas de sa compétence de se prononcer sur les pages du webshop où un produit est simplement offert à la vente.

Le Jury s’est dès lors déclaré non compétent et ne s’est pas prononcé sur le fond de ce dossier.

Le plaignant a interjeté appel contre la décision du Jury de première instance.

Appel

Position plaignant en appel

Par rapport à la compétence du Jury et la recevabilité de la plainte, le plaignant a fait valoir les arguments suivants.

Suivant sa décision le JEP de première instance a examiné la plainte mais a considéré qu’il n’était pas compétent pour en connaître (et il ne s’est donc pas prononcé sur le fond du dossier).

Il ressort en effet de l’article 2 du règlement du JEP que « Le Jury n’est compétent que pour l’examen de messages publicitaires diffusés dans les médias de masse (tv, cinéma, radio, presse écrite, affichage, internet) et via direct mail ».

Tel est le cas en l’espèce, puisque le message publicitaire est diffusé à travers l’internet.

Cette même disposition ajoute que « Les décisions du Jury et les avis du Jury/du Secrétariat du JEP concernent uniquement le contenu des messages publicitaires et ne portent en aucun cas sur les produits et/ou les services concernés ».

C’est visiblement en prenant appui sur cette disposition que le JEP s’est déclaré, à tort selon le plaignant, incompétent : le Jury estime en effet que le message litigieux ne constitue pas un contenu publicitaire en tant que tel mais concerne uniquement les caractéristiques du produit.

Le plaignant est au contraire d’avis que, d’une part, il s’agit manifestement d’un contenu publicitaire et, d’autre part, qu’il ne concerne pas seulement les caractéristiques du produit.

1. Le message litigieux est de la publicité

Dès lors que le JEP se prononce sur la conformité des publicités à l’aune des dispositions légales et d’autodiscipline, il convient d’apprécier si le message litigieux constitue de la publicité à l’aune de ces mêmes dispositions (et suivant les définitions qui sont données).

Les dispositions légales transversales applicables à la publicité figurent dans le livre VI du Code de droit économique (qui encadre la publicité comparative et interdit les pratiques commerciales déloyales à l’égard des consommateurs, notamment). Au sens du livre VI, la publicité s’entend de « toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits quels que soient le lieu ou les moyens de communications mis en œuvre » (art. I.8, 13°, du Code de droit économique). Il est indubitable que les informations concernant l’iPhone 6 ont pour but direct de promouvoir la vente de ceux-ci.

La notion de « publicité » est d’ailleurs interprétée très largement par la doctrine et par la jurisprudence. L’acception large de la notion de publicité ou de communication commerciale est également confirmée dans les normes d’autodiscipline, en particulier le Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale.

Il est ainsi unanimement admis que la publicité reçoit une acception extrêmement large, qui ne se limite absolument pas aux formes classiques de publicité sur le net, comme semble l’exiger le JEP de première instance dans sa décision (banner, pop-up, action promotionnelle, …).

L’élément-clé est au contraire la possibilité, pour le message, d’influencer le comportement économique du consommateur. C’est indubitablement le cas en l’espèce puisque le message contient des informations-clés sur les caractéristiques de l’appareil, qui sont susceptibles de guider son choix.

Certes, les informations figurent dans la partie du site internet qui permet également d’acheter le produit. Cette circonstance permet-elle de disqualifier l’information et de considérer qu’elle ne constitue plus de la publicité ?

En aucun cas. Il s’agit d’ailleurs d’une caractéristique – et d’un atout – de la publicité en ligne : son interactivité et son intégration poussée. En outre, on relève que le site est utilisé par de nombreux acheteurs potentiels pour rechercher des informations sur les produits, comparer ceux-ci et faire ainsi mûrir leur décision.

En définitive, la position de principe qu’induit la décision attaquée est intenable et dangereuse pour le JEP :

- Intenable car elle ne s’appuie sur aucun fondement légal. Ce n’est pas parce qu’un produit peut être acheté sur un site, que les publicités qui se trouvent sur ce site ne sont plus des publicités au sens de la loi. Il serait incompréhensible qu’un annonceur puisse échapper au cadre juridique applicable à la publicité uniquement en raison du fait que le consommateur peut, après avoir aperçu cette publicité, acheter directement en ligne. Or, c’est à cette situation aberrante qu’aboutit la logique de la décision attaquée qui opère (contra legem) une distinction entre des bannières ou des pop-ups qui sont des publicités « en tant que telles » soumises au JEP, et le contenu du site qui ne le serait pas. Il tombe sous le sens que la façon dont le site est conçu, l’information présentée, les produits segmentés, et la capacité de stockage de chacun des produits mise en avant (16, 32, 64, …), concourent individuellement et ensemble à inciter à un acte d’achat, que ce soit immédiatement sur le site via l’onglet de commande ou plus tard.

- Dangereuse car elle aurait pour conséquence d’exclure de la compétence du JEP ce qui est, de de l’avis unanime, l’avenir de la publicité.

2. Le message ne se limite pas à une description des caractéristiques du produit

Le contenu publicitaire est indissociable des caractéristiques du produit ou du service en cause et le JEP est compétent pour se prononcer sur ce point. Qu’il s’agisse du prix, de la durée d’un abonnement, des petits caractères, d’une photo trop belle par rapport à la réalité, de la taille de l’objet, etc., il y a par définition un lien entre la publicité pour un produit ou un service, et les caractéristiques de celui-ci.

On comprend alors mieux l’exclusion figurant à l’article 2, in fine, du règlement du JEP, qui exclut les décisions sur les produits et services concernés en tant que tels. L’organe d’autodiscipline ne veut pas entrer dans des discussions techniques et complexes sur les caractéristiques d’un produit ou d’un service qui, devant les juridictions traditionnelles, seraient généralement confiées à un expert. Ainsi, son rôle n’est pas de juger de la sécurité d’un produit ou de l’application éventuelle d’une garantie légale ou conventionnelle en cas de défaut.

Ce que, par contre, le plaignant reproche à l’entreprise concerné dans ce cas-ci, c’est de ne pas compléter sa publicité par un élément d’information (la capacité réellement mise à la disposition des utilisateurs), qui constitue une information capital dans le choix des consommateurs, au moment d’acheter un produit ou pas. C’est donc indubitablement le contenu publicitaire qui, d’abord et avant tout, est concerné.

Dans sa décision le JEP de première instance laisse par ailleurs entendre qu’il serait de pratique constante que sa compétence se limite aux pratiques publicitaires classiques sur le net et qu’il n’est pas compétent pour « se prononcer sur les pages du webshop où un produit est simplement offert à la vente ».

Cette considération surprend. Au contraire, à diverses reprises, le JEP s’est déclaré compétent et a examiné la conformité des messages qui lui étaient soumis, alors qu’il s’agissaient d’hypothèses dans lesquelles l’information était donnée sur le produit ou un service dans le cadre d’un webshop. Par exemple, dans une décision du 30 janvier 2008 concernant l’annonceur Centerparcs, on constate que le texte du message publicitaire diffusé sur l’internet se termine par « Réservez maintenant » (après un détail des réductions possibles) et il ressort des faits que le plaignant a effectivement réservé dans la foulée sur le site mais sans obtenir la réduction promise. On est clairement dans un cadre transactionnel, comme sur le site d’Easy-M.

Sans prétendre à l’exhaustivité, des exemples semblables se trouvent dans les décisions du 24 février 2010 (en cause de Centerparcs, erreur dans la réservation et différence avec les mentions figurant sur le site), du 24 avril 2013 (en cause de Brussels Airlines, où on reproche qu’il n’est pas possible de réserver des billets aux tarifs promotionnels indiqués sur le site), du 14 décembre 2011 (en cause de Thalys, où on reproche qu’il n’est pas possible de réserver des billets aux tarifs promotionnels indiqués sur le site de la sncb) ou du 7 septembre 2012 (en cause de Groupon, où on reproche une erreur dans l’annonce de la réduction susceptible d’être obtenu à travers le site – 70%).

3. Conclusion

Selon le plaignant, il résulte de ce qui précède que les messages litigieux constituent assurément de la publicité, et qu’ils ne sont pas visés par l’exclusion figurant à l’article 2, in fine, du règlement du JEP.

Le JEP est par conséquent compétent pour connaître de la plainte et analyser la conformité à la loi et aux règles d’autodiscipline.

Raisonner autrement aurait pour effet de créer un dangereux précédent, en totale contradiction avec l’acception généralement admise de la publicité, et qui priverait ipso facto le JEP d’une part substantielle de sa compétence dans le cadre des médias numériques.

Décision Jury d’appel

I. RECEVABILITÉ

En ce qui concerne la recevabilité de la requête d’appel, le Jury a tout d’abord constaté que:

  • la requête (09.10.2015) a été introduite dans les 5 jours ouvrables suivant la date d’envoi de la décision du Jury de première instance (06.10.2015) ;
  • la caution a été versée ;
  • la requête contient une motivation claire des raisons de l’appel.

Vu ce qui précède, le Jury a déclaré la requête d’appel recevable.

II. QUANT AU FOND

Le Jury d’appel a pris connaissance de la plainte concernée ainsi que de tous les éléments et points de vue communiqués dans ce dossier.

Le Jury a notamment noté que d’une part le Jury de première instance s’est déclaré non compétent en ce qui concerne la communication en question, et ce sur la base de l’article 2 du Règlement du Jury et que d’autre part l’appel interjeté porte sur cette décision relative à l’incompétence du Jury.

À ce sujet, le Jury d’appel entend d’emblée souligner que l’étendue et le contenu du champ de compétence du JEP sont déterminés par son Règlement.

Contrairement à ce que prétend le plaignant dans son argumentation en appel à titre principal, le débat ne porte donc pas sur les définitions du concept de « publicité » qui peuvent se retrouver dans certaines législations ou codes autodisciplinaires.

En d’autres termes, la question de savoir si le JEP est matériellement compétent ou pas pour une sorte de communication via un certain type de média ne doit pas être tranchée sur la base des définitions du concept de « publicité » qui ne figurent pas dans son Règlement.

Le débat porte dès lors sur la portée du concept de « contenu d’un message publicitaire diffusé via internet » au sens du Règlement du Jury.

À cet égard le Jury d’appel a constaté, avec le Jury de première instance, que la plainte mentionne la page du webshop du site internet, consacrée à l’iPhone. Il a également constaté que sur cette page figurent 4 types d’iPhone avec respectivement leur dénomination, une représentation visuelle, le prix et 3 caractéristiques de l’appareil en question. En cliquant sur l’iPhone 6, on arrive sur une page du webshop avec une description plus précise de l’appareil et la possibilité de choisir la couleur et la capacité de stockage.

A cet égard, le Jury d’appel constate que les décisions du Jury mentionnées par le plaignant dans sa requête d’appel à l’appui de son analyse, se distinguent de la communication en question par le fait qu’elles concernent toujours des communications dans lesquelles un élément promotionnel spécifique était bien présent, à savoir par exemple un pourcentage de réduction ou une action temporaire. Selon le Jury d’appel, ce sont ces mises en valeur d’un produit/service ou autres messages persuasifs qui ont permis de conclure que ces communications tombaient sous la catégorie de « contenu d’un message publicitaire diffusé via internet » au sens du Règlement du Jury. Ces communications ont donc été traitées par le Jury.

Selon le Jury, il est donc totalement incorrect de prétendre, comme le plaignant s’y emploie néanmoins dans sa requête d’appel, que le simple fait qu’un produit ou un service puisse être acheté quelque part sur un site internet mènerait nécessairement le JEP à se déclarer incompétent pour de réels contenus publicitaires (au sens de l’article 2 du Règlement du Jury) figurant sur ce même site web. Au contraire, les précédents relevés par le plaignant démontrent justement que le Jury peut se prononcer sur de tels contenus publicitaires sur internet. Son champ de compétence ne se limite donc pas aux formes dites « classiques » de la publicité sur internet telles que les bannières, pop-ups et autres actions promotionnelles visés dans la liste clairement non limitative de la décision de première instance.

Il n’en demeure pas moins que le Jury d’appel est d’avis qu’en l’espèce, la plainte ne porte que sur une présentation neutre d’une caractéristique technique d’un produit offert à la vente dans un webshop, et ce sans que cette caractéristique technique fasse l’objet d’une mise en valeur ou autre message persuasif.

Le Jury confirme dès lors que dans ce cas-ci il ne s’agit pas de contenu d’un message publicitaire diffusé sur internet dans le sens de son Règlement. Il s’est donc déclaré non compétent pour traiter cette plainte sur base de l’article 2 du règlement du JEP.

Il entend néanmoins préciser que, contrairement à ce que le plaignant semble prétendre, cette décision portant sur cette plainte spécifique n’implique nullement que le JEP ne puisse plus se prononcer sur des contenus publicitaires diffusés sur ou via internet ou tenir compte des évolutions constantes du paysage publicitaire.

Le Jury d’appel déclare dès lors l’appel non fondé et confirme la décision du Jury de première instance, à savoir que la plainte en question ne ressort pas de la compétence du Jury.

Suite

La décision du Jury d’appel concernant l’incompétence du Jury est définitive.

Le Jury ne s’est donc pas prononcé sur le fond de la plainte originale.

Annonceur:EASY-M
Produit/Service:iPhone 6
Média:Internet
Critères d'examen:Loyauté, Véracité
Type de décision:Autre
Date de clôture: 10/11/2015