L’affiche montre une main qui tend une bouteille de la bière promue vers une autre main, avec les mentions « 6,66% », « Pleine de GOÛT Pleine d'AUDACE » et « Une bière se déguste avec sagesse. ».
Le plaignant a constaté la présence d’une publicité pour une bière assez forte à un arrêt de bus, juste à côté de l’entrée d’une école où vont des enfants de tous les âges, et que ceux-ci peuvent voir en attendant le bus ou en arrivant à l’école en voiture ou à pied. Selon lui, se référant à une page du site web du SPF Santé Publique mentionnant la Convention en matière de publicité et de commercialisation des boissons contenant de l’alcool, il s’agit manifestement d’une infraction très grave à la réglementation sur la publicité de l’alcool en Belgique.
Il a précisé que non seulement, de par sa présence juste à côté de l’école, elle vise les enfants mais aussi qu’elle essaie d'évoquer des connotations positives par le biais du mot « audace ». Pour lui, ce mot peut être interprété inconsciemment comme « audace » pour consommer, ou bien « si je bois, je serai plus audacieux » et il se demande si c’est un message subliminal que l’on veut transmettre aux enfants.
Il a ajouté que l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré clairement, entre autres, que l’alcool est très dangereux, très addictif, et qu’il n’y a aucune quantité d’alcool qui pourrait être considérée comme sûre pour la santé (d'ailleurs, même la consommation avec « sagesse » est très probablement nocive). Promouvoir ce produit juste à côté d’une école lui paraît plus que scandaleux et, même pour les adultes, déjà très inapproprié.
L’annonceur a tout d’abord évoqué le fait que la plainte ne précise pas la/les disposition(s) réglementaire(s) mise(s) en cause mais qu’il lui semble que la plainte a trait au respect d’une part, des articles 2.1 et 4.1 de la Convention en matière de publicité et de commercialisation des boissons contenant de l'alcool (ci-après, la Convention) et d'autre part, de l’article 3.2 de la Convention.
Il a ensuite communiqué, à titre principal, que la plainte n’a plus lieu d'être dans la mesure où l'affiche n'est plus présente à l’arrêt de bus situé dans la même avenue qu'une école et qu’à défaut d'objet, la plainte doit être rejetée.
A titre subsidiaire, il a expliqué pourquoi, même à considérer que l'affiche litigieuse serait toujours présente, la plainte n'est pas fondée selon lui.
- En ce qui concerne la conformité aux articles 2.1 et 4.1 de la Convention :
L’annonceur est très soucieux du respect de la réglementation en matière de publicité, en ce compris de la Convention, et ses équipes marketing reçoivent régulièrement des formations à cet égard. En ce qui concerne les mineurs, sa politique est claire et sans équivoque : ses produits alcoolisés ont un public cible exclusivement majeur et par conséquent, aucune publicité pour ces produits ne peut avoir pour objet de s'adresser aux mineurs. Chaque affiche publicitaire fait l’objet d’une réflexion approfondie en interne pour veiller au respect de ce principe. L'affiche litigieuse n’a pas fait exception et respecte pleinement ce principe.
Il se réfère ensuite à la jurisprudence du JEP qui rappelle régulièrement dans ses décisions que le constat d'une infraction aux articles 2.1 et 4.1 « exige bien qu'une publicité ou activité de marketing cible spécifiquement les mineurs d'âge » (AB Inbev 11/10/2017, Alken Maes Brasseries 05/06/2019). Autrement dit, il faut une publicité qui vise activement à atteindre les mineurs d'âge.
En l'occurrence, l'affiche litigieuse n'avait ni vocation à, ni pour effet de, cibler spécifiquement les mineurs d'âge, que ce soit de par son contenu ou par son mode de communication — et l’annonceur précise que la plainte n'avance aucun élément prouvant le contraire.
En effet selon lui, l'affiche concernée, qui est précisément très sobre en termes de contenu, ne met pas en scène des mineurs d'âge et ne présente pas davantage une situation à laquelle des mineurs d'âge pourraient s'identifier particulièrement. Quant à son mode de communication, ce n'est pas parce que l'affiche litigieuse se trouve à proximité d'une école qu'elle vise forcément spécifiquement les mineurs d'âge. Si ce raisonnement devait être porté à l'extrême, il faudrait interdire toute affiche publicitaire pour une boisson alcoolisée là où un mineur d'âge est susceptible de passer — c'est-à-dire absolument partout, d'autant plus en ville où il serait tout à fait impossible de trouver un abris de bus qui ne serait pas dans un périmètre proche ni d’une école, ni d'une garderie, ni d’une crèche, ni d'une piscine, ni d'un espace de jeux, etc. Selon l’annonceur, ce n'est pas l'esprit de la Convention qui ne consacre pas une interdiction générale de faire de la publicité pour une boisson alcoolisée, mais qui vise simplement à encadrer une telle publicité. C'est pourquoi la Convention interdit, par exemple, la publicité pour une boisson alcoolisée dans un périodique destiné aux mineurs d'âge (article 11.2). En revanche, un abris de bus, quand bien même il se trouverait proche d'une école, n'est pas destiné aux mineurs d'âge, mais à toute la population faisant usage des transports en commun. Ainsi, la présence d’une publicité pour une boisson alcoolisée à un arrêt de bus ne peut être interprétée comme visant spécifiquement les mineurs d'âge.
- En ce qui concerne la conformité à l’article 3.2 de la Convention :
Combiné avec le visuel (montrant en gros plan une bouteille), le terme « audace » dans le slogan « Pleine de GOÛT Pleine d'AUDACE » fait clairement référence au goût audacieux de la bière, sans suggérer que la consommation du produit puisse améliorer l'audace du consommateur.
De manière générale, aucun élément dans l'affiche litigieuse ne laisse entendre que la consommation du produit pourrait améliorer, d'une quelconque façon, les performances physiques et psychiques du consommateur, ni combattre certains problèmes physiques, psychologiques ou sociaux.
Selon l’annonceur, l'interprétation du plaignant n'est pas pertinente et non prouvée.
Sur le point du slogan éducatif, l’annonceur a communiqué que le slogan raccourci a été utilisé par erreur et qu’il a averti son équipe marketing qui modifiera le slogan conformément à la Convention si ce visuel devait être utilisé à nouveau à l'avenir. Il a également précisé avoir rappelé à l’agence marketing concernée ses engagements à cet égard et avoir l’intention de renforcer les formations de ses équipes marketing pour éviter ce type d’erreur à l’avenir.
Le Jury a constaté que l’affiche montre une main qui tend une bouteille de la bière promue vers une autre main, avec les mentions « 6,66% », « Pleine de GOÛT Pleine d'AUDACE » et « Une bière se déguste avec sagesse ».
Il a pris connaissance des deux éléments de la plainte relatifs à l’affichage de la publicité visée. Il a par ailleurs noté que le plaignant met en avant la consommation d’alcool elle-même et que selon lui, promouvoir l’alcool, même auprès des adultes est déjà très inapproprié. A cet égard, le Jury a rappelé qu’il ne se prononce pas sur le produit lui-même mais uniquement sur la publicité qui en est faite et ce, dans le cadre de la Convention en matière de publicité et de commercialisation des boissons contenant de l’alcool (ci-après : la Convention).
En ce qui concerne le fait que la publicité viserait les enfants de par sa présence à un arrêt de bus à côté d’une l’école :
Suite à la réponse de l’annonceur, le Jury a bien noté que, les produits alcoolisés de ce dernier ayant un public cible exclusivement majeur, leur publicité fait l’objet d’une réflexion approfondie en interne pour veiller à ce qu’elle ne s'adresse pas aux mineurs. En l’occurrence, l’annonceur a mis en avant que le contenu publicitaire est très sobre, ne met pas en scène des mineurs d'âge et ne présente pas de situation à laquelle des mineurs d'âge pourraient s'identifier particulièrement.
Il a également noté que pour l’annonceur, l'affiche n'avait pas non plus ni vocation à, ni pour effet de cibler spécifiquement les mineurs d'âge par son mode de communication, un abri de bus, quand bien même il se trouverait proche d'une école, n'étant pas destiné aux mineurs d'âge mais à toute la population faisant usage des transports en commun.
Quant au contenu publicitaire, le Jury est d'avis que les éléments visuels et textuels de l’affiche concernée ne sont pas de nature à viser spécifiquement les mineurs ou à les avoir comme groupe cible.
Quant au mode de communication, il est d’avis que la simple présence d’une publicité pour une boisson alcoolisée à proximité d’une école, ou de lieux où des mineurs peuvent aussi être présents, ne signifie pas que la publicité cible automatiquement les mineurs. Il se réfère notamment à cet égard à la jurisprudence du Jury d’appel selon laquelle l’application de l’article 2.1 de la Convention exige bien que la publicité ou l’activité marketing cible spécifiquement les mineurs d’âge et donc, en d’autres mots, vise les mineurs d’âge, ce qui n’est pas le cas ici.
Sur la base de ce qui précède, le Jury a estimé que l’affiche en question ne cible pas les mineurs ni par son contenu ni par son mode de communication au sens des articles 2.1 et 4.1 de la Convention.
En ce qui concerne le fait que la publicité essaierait d'évoquer des connotations positives par le biais du mot « audace » :
Le Jury est d’avis que le slogan « Pleine de GOÛT Pleine d'AUDACE » se réfère clairement au produit lui-même, représenté en grand comme élément principal de l’affiche, et qu’il n’est pas de nature à associer la consommation de boissons contenant de l'alcool à des effets psychologiques et physiques favorables.
Selon lui, le consommateur moyen n’interprétera pas ce slogan dans le sens que lui donne le plaignant, à savoir comme une référence à l’audace pour consommer, ou à consommer pour être plus audacieux.
Le Jury a dès lors estimé que la publicité ne met pas en évidence des effets éventuellement stimulants, euphorisants, sédatifs, curatifs ou tranquillisants et qu’elle ne laisse pas croire que la consommation de produit promu pourrait améliorer les performances psychiques ou physiques au sens de l’article 3.2 de la Convention.
A défaut d’infractions aux dispositions légales ou autodisciplinaires, le Jury a estimé n’avoir pas de remarques à formuler sur ces points.
Par ailleurs, le Jury a noté que pour cette communication commerciale relative à une boisson contenant de l’alcool, le slogan éducatif raccourci « Une bière se déguste avec sagesse » est mentionné et non le slogan « Une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse » requis par l'article 11.1 de la Convention et l’Annexe B 1. (b) (ii).
Sur la base de la disposition susmentionnée, le Jury a donc demandé à l’annonceur de modifier la publicité sur ce point et à défaut, de ne plus la diffuser.
A cet égard, il a noté que l’annonceur a communiqué que le slogan raccourci a été utilisé par erreur, qu’il modifiera le slogan si ce visuel devait être utilisé à nouveau et qu’il a pris les mesures nécessaires pour éviter ce type d’erreur à l’avenir.
A défaut d’appel, ce dossier a été clôturé.
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