La campagne « Junk Fruit » concernée par les plaintes est menée via différents médias où chaque fois le logo ou les mots « Junk Fruit » et les mots « Prêt pour votre nouvelle addiction ? » sont utilisés, avec le slogan général de Delhaize « Du côté de la vraie vie ».
Quelques exemples à titre d’illustration :
- un folder avec des images d’un homme et deux enfants dont un mange des myrtilles dans un pot avec entre autres les textes susmentionnés, des images de la gamme de produits concernée et le texte suivant :
« Un petit creux ?
Delhaize vous présente sa gamme Junk Fruit...
Le saviez-vous ?
Une étude a démontré que 90% des Belges ne mangent pas assez de fruits. Or, il est recommandé de manger 3 portions de fruits par jour.
Chez Delhaize, nous comprenons que la vie n'est pas parfaite, que manger équilibré n'est pas toujours facile et que vous avez peut-être besoin d'un petit coup de pouce pour atteindre cet objectif fruité...
Voilà pourquoi, après les légumes magiques, Delhaize lance la gamme Junk Fruit : des fruits délicieux qui se mangent comme des bonbons. Dans les bouchons, devant la télé ou au bureau, prenez de nouvelles bonnes habitudes et craquez pour nos Bonbons Surs, nos Myrt-TV et notre Apérouge. Alors, prêt pour votre nouvelle addiction ?” ;
- une affiche avec l’image d’une femme qui mange des raisins derrière son laptop, avec les textes susmentionnés et « Le paquet de boules » ;
- un e-mailing avec l’image de deux hommes qui mangent des myrtilles dans un pot dans le fauteuil, avec entre autres les textes susmentionnés et des images de la gamme de produits concernée.
- un spot radio qui se déroule comme suit :
Femme : « Regarder des séries, c’est dévorer un épisode après l’autre. »
Homme : « Allez, un petit dernier. »
Femme : « Un peu comme les chips. »
Homme : « Allez, un petit dernier. »
Femme : « C’est pourquoi Delhaize a créé Myrt-TV. Un grand pot de myrtilles parfait pour accompagner vos séries. Découvrez tous nos Junk Fruit chez Delhaize et recevez un deuxième paquet à moitié prix. Prêt pour votre nouvelle addiction ? Delhaize, du côté de la vraie vie.”
1) Le plaignant trouve l'argument et le slogan de la campagne déplacés et pervers. Le terme « junk » est souvent associé à « food » et concerne la malbouffe. Le terme « junkie » est utilisé pour désigner les drogués (d'où le renforcement avec le terme « addiction » dans le visuel). Et l’annonceur achève avec son slogan : « Du côté de la vraie vie ». Le plaignant est choqué du langage et du glissement sémantique qui voudrait faire passer pour « bon » quelque chose de « mauvais ». D'un point de vue psychologique, on n'est pas loin de vanter les mérites des assuétudes selon lui et il qualifie donc cette campagne de « perverse ».
2) Selon le plaignant, on parle de « nouvelle » addiction comme si « une » addiction était la chose la plus normale au monde. Légumes et fruits sont plus que corrects mais pas la manière de les promouvoir ainsi. Il trouve la publicité de mauvais goût et irresponsable.
3) La plaignante trouve qu'on ne peut pas faire de la publicité pour une « addiction » comme si c'était socialement tout à fait acceptable et responsable (et donc normal) que l’on soit dépendant, même si c’est à quelque chose de positif comme des fruits.
4) La plaignante est profondément choquée par l'utilisation du concept d'addiction et par sa valorisation et sa banalisation dans un cadre séduisant. Selon elle, l'auteur de cette campagne publicitaire ignore la problématique de l'addiction pour la traiter de manière aussi détournée et cibler, qui plus est, un public jeune à qui on destine à juste titre des campagnes de prévention contre différentes addictions. Elle se demande s’il y aurait alors des bonnes et des mauvaises addictions.
L’annonceur a communiqué que sa campagne « Junk Fruit » (jouant sur la proximité auditive avec la notion de « junk food ») a pour but d’interpeler de manière amusante les consommateurs sur le phénomène d’addiction au grignotage d’aliments non-équilibrés, devenu très courant mais demeurant pourtant interpellant pour la santé des consommateurs, ceci dans le but d’inviter le consommateur à changer ses habitudes pour préférer de nouvelles habitudes plus saines. Ainsi, la campagne met en avant des fruits directement consommables pour aider les consommateurs à grignoter de façon plus saine lorsque l’envie leur vient, et ainsi à équilibrer leur régime alimentaire.
Par rapport aux plaintes, qui semblent estimer que sa campagne vanterait les assuétudes, risquerait d’enclencher un glissement sémantique ou encore banaliserait la notion d’addiction, l’annonceur a d’abord soulevé que sa campagne ne prend aucunement position sur la problématique des assuétudes ou des drogues, au contraire, et que la notion même d’addiction varie et a évolué. Elle ne se limite clairement plus à l’heure actuelle aux drogues au sens stricte du terme, de sorte que l’utilisation du terme dans sa communication n’est selon lui nullement abusive mais se conforme au langage courant.
Son utilisation de la notion d’addiction est totalement alignée avec la compréhension actuelle d’un consommateur moyen en Belgique et qui vise la difficulté à résister à une envie irrépressible et récurrente (en l’occurrence le grignotage de « junk food »). Dans le langage courant, et certainement celui des générations plus jeunes, plus particulièrement concernées par sa campagne, le terme « addiction » recouvre une dimension très atténuée, fort éloignée de la notion négative renvoyant à la toxicomanie. Il est même utilisé couramment pour désigner des éléments fortement appréciés comme un sport, une musique, un loisir ou autres.
Ainsi, l’annonceur ne pense pas que sa campagne puisse être considérée comme choquante pour le consommateur belge moyen. Le slogan « Prêt pour votre nouvelle addiction ? » se veut tout au plus interpelant, pour appeler le consommateur, d’une manière amusante et en adéquation avec la manière actuelle de parler des jeunes (et certainement de moins jeunes également), à réfléchir à son propre comportement alimentaire et à comprendre qu’il est possible de changer ses mauvaises habitudes de grignotage (« junk food ») car il existe des alternatives tout aussi appétissantes (par exemple les « Junk Fruit »). La proximité auditive engendrée par le jeu de mots facilite le réflexe de penser à des fruits lorsque l’envie de « crasses » se profile. L’ensemble de cette idée est repris clairement dans ce slogan humoristique et empreint de jeunesse, accompagné du visuel montrant la consommation de fruits rendue simple et pratique dans des circonstances classiques au cours desquelles une personne peut avoir envie de grignoter (devant la TV, dans les embouteillages, etc.).
Quant à la présence d’enfants sur les supports de cette campagne, elle se justifie pleinement par le produit mis en avant. Les enfants sont probablement les premières victimes des grignotages de « crasses » et à ce titre, ils méritent d’être mis en avant dans cette campagne visant un grignotage plus sain, même s’ils ne sont pas directement ciblés.
Quant à l’utilisation du terme « nouveau » (« nouvelle addiction »), il ne fait qu’appuyer la nouveauté du concept de fruits faciles à manger et à emporter, ainsi que l’idée de changement des mauvaises habitudes.
Bien qu’il regrette que certains consommateurs aient pu être choqués par sa campagne, l’annonceur n’estime pas qu’elle soit condamnable pour les raisons expliquées ci-dessus.
Le Jury a pris connaissance de la campagne en question et des plaintes qui la concernent.
Il a noté que les plaintes formulent des objections quant à l’utilisation dans la campagne des mots « Prêt pour votre nouvelle addiction ? » et « Junk Fruit », en combinaison ou non avec des images d’enfants, dans une campagne pour promouvoir la gamme de fruits de l’annonceur.
À cet égard, le Jury est tout d’abord d’avis que le jeu de mots voulu par l’annonceur entre « junk food » et « Junk Fruit » ressort clairement de l’ensemble de la campagne, sans qu’il renvoie à la signification restreinte de « junk » liée au domaine de l’usage de drogues.
Il est également d’avis que tout au long de la campagne, il est clair que dans le contexte de cette campagne, le terme « addiction » renvoie à la consommation exagérée d’en-cas moins sains et que ce langage ne doit pas être pris dans ce cas au premier degré comme une référence à un trouble psychiatrique, et encore moins qu’une addiction dans un sens ou un autre ne serait pas problématique.
En ce sens, il ressort suffisamment clairement de la campagne selon le Jury que l’objectif est de mettre en avant un comportement positif apprécié, tant chez les jeunes que chez les adultes, plutôt que d’encourager le remplacement d’un comportement repréhensible par un autre.
Il est donc d’avis que le consommateur moyen ne comprendra pas la campagne dans le sens que lui donnent les plaignants.
Dans ce contexte, le Jury a estimé qu’avec sa campagne l’annonceur ne normalise ou ne banalise pas un comportement socialement répréhensible.
Le Jury a dès lors estimé que la campagne ne témoigne pas d’un manque de juste sens de la responsabilité sociale dans le chef de l’annonceur.
A défaut d’infractions aux dispositions légales ou autodisciplinaires, le Jury a estimé n’avoir pas de remarques à formuler sur ce point.
A défaut d’appel, ce dossier a été clôturé.
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