L’affiche montre un homme au restaurant, avec le texte « Pour retrouver mon resto préféré demain, je me vaccine ». En bas à gauche, les logos de la Wallonie et de la Commission Communautaire Commune et en bas à droite, la mention « jemevaccine.be ».
La plaignante, une fédération professionnelle, a communiqué que la publicité est problématique en ce qu’elle lie la possibilité de se rendre dans un restaurant au fait de se faire vacciner et instaure ainsi au mieux l’idée que l’Horeca n’ouvrirait ses portes qu’à des clients vaccinés, au pire le fait que cette vaccination serait obligatoire alors même que l’Horeca se veut un lieu d’accueil envers le client.
Elle observe également que cette publicité, en liant la possibilité de se rendre au restaurant à l’obligation de se faire vacciner, peut être qualifiée de trompeuse voire d’agressive, au sens des articles IV.97 et s. du Code de droit économique dès lors qu’aucune obligation de vaccination n’existe pour se rendre dans un établissement Horeca.
Selon la plaignante, elle conduit en outre à priver, à tout le moins inconsciemment, le citoyen de la possibilité de choisir de se faire vacciner ou non, en liant la possibilité d’exercer ses droits et libertés à l’obligation de se faire vacciner. A cet égard, elle est également contraire à la Résolution n°2361/2021 du Conseil de l’Europe qui préconise, en son article 7.3 qu’il convient de de s'assurer que les citoyens et citoyennes soient informés que la vaccination n'est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s'il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement (article 7.3.1) et qu’il y a lieu de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risques potentiels pour la santé ou pour ne pas vouloir se faire vacciner (article 7.3.2).
Par ailleurs, elle estime que cette publicité est contraire aux règles existantes en matière de publicité des produits médicaux car aux termes de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments, les vaccins peuvent être qualifiés de médicament.
Elle a également ajouté que conformément à l’article 3 § 3 de l’Arrêté royal du 7 avril 1995, les campagnes d'information « doivent favoriser l'usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés » et ne peuvent être trompeuses. Selon elle, force est de constater qu’en liant la possibilité de se rendre au restaurant au fait de se faire vacciner, la publicité viole les règles précitées et instrumentalise le secteur de l’Horeca.
Pour le surplus, elle renvoie aux décisions prises par le Jury en matière de campagnes de vaccination, notamment la décision Fédération Wallonie-Bruxelles 19/12/2011. En l’espèce, elle considère que la publicité critiquée ne mentionne nullement l’opportunité de conférer du vaccin avec un médecin ou le risque d’effets secondaires graves possibles.
Quant à la licéité de la campagne d'information, l’annonceur a communiqué que, conformément à la décision du JEP citée par le plaignant, la campagne de vaccination en cause ne contrevient pas à la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments ni à l'arrêté royal du 7 avril 1995 relatif à l’information et à la publicité concernant les médicaments à usage humain, s'agissant d'une campagne d'intérêt public ne tombant pas sous leur application.
Quant au message de la campagne incriminée et au but poursuivi, il a communiqué que, contrairement à ce qui est affirmé par le plaignant, ce message ne suggère, ni ne vise pas à suggérer, que le retour à la fréquentation d'un restaurant serait conditionné par la vaccination.
Il attire l'attention sur les éléments suivants :
- Le message, comme la campagne, fait appel aux motivations, aspirations et objectifs du destinataire ;
- Le message renvoie le destinataire à sa propre responsabilité et rappelle sa liberté de choix par l'emploi du "je" ;
- Le message et la campagne évite soigneusement de suggérer toute obligation ;
- La campagne multiplie les situations invoquées et n'instrumentalise pas l'Horeca ;
- Le caractère volontaire de la vaccination est mis en avant en première page du site web.
Il a également précisé que l'objectif, classique en matière de communication, est de faire appel aux motivations, aux aspirations ainsi qu'aux objectifs du destinataire. La campagne de communication ne vise pas à décrire les "spécifications" d'une situation, encore moins du produit promu (la vaccination), mais de parler aux désirs des destinataires. Or, dans le contexte sanitaire que nous connaissons, il est évident que retourner au restaurant est un désir fort pour la majeure partie de la population.
C'est aussi pour cela que l’aspect émotionnel du restaurant "préféré" a été choisi - pour insister sur les désirs du public.
Dans le même ordre d'idée, le ''je" est utilisé de manière intentionnelle et significative. Le fait de se faire vacciner reste un choix personnel et il fait appel aux motivations d'une personne, à laquelle il invite le destinataire à s'identifier.
Le message fait appel à la responsabilité individuelle, et laisse chacun maitre de décider s'il s'identifie ou non à la situation subjective décrite.
L'interprétation du plaignant aurait requis une formulation du type "pour avoir le droit de retourner au resto".
Une formulation impersonnelle ("il faut se vacciner") ou injonctive ("vaccinez-vous") aurait été requise pour faire passer l'idée d'un prérequis de vaccination au retour à l'Horeca.
Le fait de n'avoir utilisé aucune de ces formules souligne selon lui l’absence d'intention de suggérer une obligation.
Pour mieux comprendre l'intégralité d'un message et ses intentions, il importe de considérer la campagne dans son ensemble. Ce contexte illustre et démontre les intentions explicites et implicites d'un élément de campagne.
Il se réfère également à trois autres affiches produites. Celles-ci comportent le contenu suivant :
- "Peur retourner en festival demain, je me vaccine"
- "Pour voir mes proches quand je veux demain, je me vaccine"
- "Pour retrouver mes amis demain, je me vaccine".
Ces diverses situations, particulièrement les deux dernières, ne peuvent faire l'objet d'une corrélation règlementaire. Ainsi, il serait déraisonnable de penser que l'on suggère que seules les personnes vaccinées auront le droit de voir leurs proches quand elles le veulent.
Parallèlement à ces affiches, la campagne a fait circuler des contenus dans les valves digitales de la STIB (avec les textes décrits ci-dessus et "Pour arrêter de bosser en pyjama demain, je me vaccine"). La signature de la campagne en télévision est "Pour mieux respirer demain, je me vaccine", qui illustre très clairement selon lui que ce sont des objectifs personnels, des désirs qui sont décrits, non des insinuations sur des situations réglementaires.
Tous ces supports renvoient vers le site web où l'annonceur souhaite amener les destinataires. L’annonceur confirme que les phrases incriminées par le plaignant s'y retrouvent et communique également la liste de phrases similaires diffusées sur son site.
On est bien dans la description d'un avenir désiré, non dans une optique réglementaire.
Par ailleurs, il tient à souligner que le contenu du site insiste sur le caractère volontaire de la vaccination, notamment dans les questions fréquemment posées, en première page du site.
Il conclut que cette campagne ne contrevient pas aux articles Vl.97 et suivants du Code de droit économique, ni à la résolution 2361/2021 du Conseil de l'Europe, d’autant plus que cette résolution insiste sur la nécessité de la vaccination pour sortir de cette crise sans précédent et préconise un niveau élevé d'acceptation du vaccin.
Le Jury a pris connaissance de l’affiche et de la plainte à son égard.
Il a tout d’abord précisé qu’il se limite à examiner le contenu publicitaire en question sans se pencher sur le débat autour de la vaccination, qui ne relève pas de sa compétence.
Il a bien pris note de la réponse de l’annonceur selon lequel la publicité concernée ne contrevient pas à la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments ni à l'arrêté royal du 7 avril 1995 relatif à l’information et à la publicité concernant les médicaments à usage humain, s'agissant d'une campagne d'intérêt public ne tombant pas sous leur application.
Le Jury a ensuite examiné le contenu même de l’affiche concernée.
Suite à la réponse de l’annonceur, il a noté que celle-ci faisait partie d'une campagne plus large avec notamment d’autres affiches mentionnant le fait de revoir ses proches et ses amis et d’arrêter de bosser en pyjama, qui sont des objectifs et désirs personnels, et que les différentes situations évoquées relèvent ainsi tant de la sphère privée que publique.
Il a également noté que l’affiche en question, de même que la campagne en général, fait appel aux motivations du destinataire et à la responsabilité individuelle, en laissant chacun maitre de décider s'il s'identifie ou non à la situation subjective décrite.
Le Jury est en effet d’avis que le message concerné vise à motiver les citoyens à se faire vacciner en vue de retrouver une série d’activités, dont aller au restaurant, sans que la formulation en question ne suggère qu’il y ait d’obligation à cet égard. Il est également d’avis que ce message ne fait pas référence en particulier aux mesures des autorités relatives à la réouverture de l’Horeca mais en général à l’objectif de vaccination du plus grand nombre.
Selon lui, l’affiche, qui renvoie au site jemevaccine.be contenant de nombreuses informations quant à la vaccination en question, n’est pas de nature à induire les citoyens en erreur quant à l’obligation ou non de se faire vacciner, entre autres pour aller au restaurant. Il a également considéré que les personnes sont ainsi simplement et suffisamment informées mais non contraintes.
Compte tenu du contexte et des autres supports de la campagne générale utilisant différents leviers en fonction des attentes de la population, le Jury est d’avis que la publicité en question n’instrumentalise pas l’Horeca comme l’allègue la plaignante.
Il est également d'avis que l'objectif précité ressort clairement du message de l’affiche et que la formulation utilisée a un rapport direct et proportionné avec le but poursuivi par la campagne.
Le Jury a dès lors déclaré la plainte non fondée.
A défaut d’appel, ce dossier a été clôturé.
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