Les affiches montrent des couples couchés enchevêtrés (femmes et hommes mélangés qui s’embrassent). Le couple principal est constitué d’un homme en costume et d’une femme en body (qui lui remonte entre les fesses sur une autre affiche où le couple est seul). Les autres personnes sont en sous-vêtements. Deux des quatre affiches montrent la femme couchée sur l’homme. Sur toutes les affiches, on voit clairement qu’ils s’embrassent avec la langue.
1) La plaignante a fait référence à des photos de très grande taille montrant des hommes en costume et des femmes à moitié nues en mini-maillot de bain couleur chair en train de s'embrasser avec la langue, qu'elle a vues avec sa fille de 9 ans. Toutes deux ont été choquées. Selon elle, l'annonceur continue ainsi tout simplement à montrer les femmes comme des objets sexuels/érotiques.
2) La plaignante a communiqué que de telles photos étaient autrefois affichées dans les sex-shops et elle estime vraiment que ce n'est pas acceptable dans une ville ou dans un lieu où passent tant de gens.
L'annonceur a communiqué que son objectif est d'être une marque non conventionnelle et innovante et que les affiches dans la vitrine du magasin font partie de la campagne publicitaire ‘The New Normal is Coming’. Cette expression fait référence au meilleur avenir qui nous attend dans un futur proche, une fois la pandémie de Covid-19 sous contrôle. Avec la pandémie, la société s'est habituée à la ‘distanciation sociale’ et on est devenu (à juste titre) craintif de la proximité des autres. Maintenant que les campagnes de vaccination sont en cours dans de nombreux pays et que les mesures strictes relatives au corona peuvent être progressivement assouplies, la société peut donner plus d'espace aux besoins refoulés.
Avec la campagne publicitaire ‘The New Normal is Coming’ dans son ensemble et cette publicité en particulier, il souhaite transmettre un message d'espoir quant à la possibilité pour les gens de se réunir à nouveau dans un avenir proche. La campagne fait allusion au désir de contact physique des gens. En outre, la campagne transmet un message positif d'intimité, de diversité et d'inclusion. La publicité représente un ‘melting pot’ de personnes d'origines différentes. Des mannequins de différentes origines ethniques sont représentés dans la publicité, et le choix a été fait de représenter l'intimité entre hommes et femmes ainsi que celle entre couples de même sexe. Le mannequin Robin Decaux et sa petite amie, le mannequin Victoria Summer, sont au centre de la publicité. La publicité montre les retrouvailles du couple après qu'ils aient été forcés d'être séparés pendant une longue période en raison de la pandémie de Covid-19. Enfin, l'annonceur souligne la dimension humoristique de la campagne. La phrase ‘The New Normal is Coming’ utilisée dans la campagne en combinaison avec la publicité est très ironique, car la campagne contraste fortement avec les conditions de distanciation sociale qui prévalent actuellement.
Il conteste que la publicité soit défavorable aux femmes et que celles-ci soient montrées comme des objets sexuels ou érotiques. La protagoniste féminine est représentée comme forte et prend clairement les devants. Elle est placée au-dessus du protagoniste masculin dans la publicité. Puisque la publicité porte sur la vente de vêtements pour hommes, le protagoniste masculin porte un costume. La protagoniste féminine porte un vêtement anodin de couleur neutre, tout comme les autres modèles qui ont un second rôle. Il n'y a pas d'image d'inégalité ou de différence de pouvoir entre l'homme et la femme. La femme n'apparaît pas comme dégradée et déshonorée, mais plutôt comme puissante et en contrôle.
Là où les plaignantes ont considéré que la publicité violait les normes de décence actuellement admises, au sens de l'article 3 du Code ICC, l'annonceur a fait valoir qu'il faut tenir compte des sensibilités sociales en vigueur, du public cible de la publicité, du contexte social et culturel et de l'actualité. Le JEP doit faire preuve de retenue dans l'évaluation de la décence, étant donné le caractère subjectif de ce critère. Il est important de noter que, selon la jurisprudence établie de la Cour européenne des droits de l'homme, les messages publicitaires relèvent également de la protection du droit fondamental à la liberté d'expression garanti par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). En vertu de l'article 10, paragraphe 2, de la CEDH, cette liberté d'expression ne peut faire l'objet que de restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique à la protection (entre autres) de la morale. La restriction doit être proportionnelle à l'intérêt servi. L'annonceur estime que la publicité n'est pas contraire aux normes de décence et qu'il ne doit pas être restreint dans sa liberté d'expression. Comme expliqué, la publicité donne une perspective pleine d'espoir sur la vie après la pandémie. Hormis un baiser intense et des mannequins recherchant l'intimité l'un de l'autre, il y a peu de choses à voir dans l'image. L'annonceur conteste donc que l'image soit pornographique, sexuelle, érotique ou autrement transgressive.
Le Jury a pris connaissance des affiches de la vitrine du magasin de l'annonceur, qui font partie de sa campagne 'The New Normal is Coming'.
Suite à la réponse de l'annonceur, il a pris bonne note du fait que celui-ci souhaite transmettre un message d'espoir quant à la possibilité de se retrouver après la pandémie de Covid-19 et que la campagne fait allusion au désir de contact physique des gens.
À cet égard, le Jury a constaté que les affiches en question montrent des couples enchevêtrés qui s'embrassent (avec la langue) avec des personnes de différentes origines.
Selon lui, la femme a en l'occurrence clairement une attitude active et n'est pas présentée comme un objet de désir ou comme étant soumise à l'homme. Il est donc d'avis que la publicité en question n'est pas de nature à instrumentaliser les femmes et ne constitue pas non plus une exploitation abusive du corps de la femme.
Le Jury a dès lors estimé que les affiches concernées ne dénigrent pas la femme et ne portent pas atteinte à sa dignité humaine.
Il est néanmoins d'avis que le baiser avec la langue, très explicitement représenté en l'espèce, va au-delà de l'intimité et du désir de contact physique, et que les images à connotation sexuelle sont trop explicites par rapport au but apparemment recherché par l'annonceur. Selon lui, l'annonceur utilise ainsi des images inappropriées pour promouvoir son produit (des costumes sur mesure pour hommes) qui n'a aucun rapport avec les images de couples qui s'embrassent avec la langue.
Compte tenu du contexte social actuel, le Jury a dès lors estimé que les affiches sont de nature à choquer et enfreignent les normes de décence actuellement admises, ce qui est contraire à l'article 3 du Code de la Chambre de Commerce Internationale (Code ICC) et au point 2 des Règles du JEP en matière de représentation de la personne.
Compte tenu de ce qui précède et sur la base des dispositions susmentionnées, le Jury a donc demandé à l'annonceur de modifier les publicités en question et à défaut, de ne plus les diffuser.
À défaut de réaction positive de l’annonceur, le dossier a été porté à la connaissance du Centre de la Communication conformément à l’article 11 du règlement du JEP.
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