Un spot télévisé montre un homme dans un bar, assis à une table et très occupé sur son ordinateur portable. Il a une grosse tignasse de cheveux bouclés et se tient juste en dessous d’un ventilateur en marche. Soudain il saute en l’air et pousse un cri de joie.
Ensuite, l’homme apparaît avec une coiffure réduite de moitié.
Texte en grandes lettres: “Waarschuwing, pas op waar je wint”.
Texte en petites lettres: “In scène gezet, probeer dit niet zelf”.
Voix masculine: “De ongelofelijke nieuwe en verbeterde partypoker site, geeft u meer speelmogelijkheden en meer mogelijkheden om te winnen. Dus log vandaag in en speel, maar let op waar je wint. Partypoker.net. Love to win ».
On voit une table de poker avec la mention partypoker.net (.net est mentionné verticalement). En dessous, en petites lettres, le texte: « Partypoker.net is een gratis website waar niet wordt ingezet met echt geld. Vanaf 18 jaar (19 in sommige landen). Niet van toepassing waar dit wettelijk verboden is. Partygaming en partypoker zijn handelsmerken van de Partygaming Group”.
Un deuxième spot montre un homme assis sur un banc avec son ordinateur portable. Au dessus de lui se trouve un nid de guêpes. Soudain il saute en l’air et pousse un cri de joie. Il est attaqué par les guêpes qui lui tournent autour.
Suivi du même texte et voix masculine que dans le premier spot.
L’annonceur a communiqué ne pas pouvoir être d’accord avec la plainte puisque celle-ci est basée sur la supposition erronée que la législation belge exige une licence pour l’exploitation du site internet partypoker.net dont on fait la publicité dans des spots TV. Chacun a accès gratuitement à ce site afin de jouer au poker pour son plaisir. Les joueurs ne peuvent pas gagner ou perdre de l’argent sur ce site, il s’agit seulement d’une activité de divertissement. Le site est sans équivoque à cet égard et affirme explicitement que les joueurs ne peuvent pas jouer pour de l’argent réel et que les puces sur les comptes des joueurs ne représentent aucune valeur monétaire et ne peuvent être échangées contre quelque autre valeur. Etant donné que l’on ne peut pas jouer pour de l’argent réel, l’exploitation de ce site ne tombe pas dans le champ d’application des exigences de licence de la législation belge. Ce n’est en effet pas l’intention du législateur de réglementer les activités de divertissement en soi, mais uniquement l’association de ces activités aux droits patrimoniaux. L’annonceur a renvoyé à cet égard à l’art. 2 de la loi sur les jeux de hasard concernant la définition d’un jeu de hasard où l’on parle d’un enjeu. Il a précisé que la loi sur les jeux de hasard requiert un enjeu, valeur qui peut mener à un gain ou à une perte d’argent. Vu que l’on ne peut pas jouer pour de l’argent réel sur le site partypoker.net, la loi sur les jeux de hasard n’est pas applicable. Le site partypoker.net ne contient également aucun lien ni référence au site partypoker.com. Il a dès lors estimé que la publicité en question est conforme à la législation belge.
Jury de 1ère instance:
Le Jury a pris connaissance de l’avis de la commission des jeux de hasard:
Bien que l’on ne joue pas pour de l’argent sur le site partypoker.net, celui-ci est en rapport direct avec le site partypoker.com, où il est bien joué pour de l’argent.
Des jeux de hasard par la voie d‘ internet sont interdits en Belgique conformément à l’article 4 de la loi du 7 mai 99 sur les jeux de hasard, les établissement de jeux de hasard et la protection des joueurs : «il est interdit d’exploiter, en quelque lieu, sous quelque forme et de quelque manière directe ou indirecte que ce soit un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard autres que ceux autorisés conformément à la présente loi. Nul ne peut exploiter un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard sans licence préalablement octroyée par la commission des jeux de hasard.
En vertu de l’article 64,2 ° seront punis d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 26 euro à 25 000 euro ou d’une de ces peines : « 2 ° toute personne, qui par tout moyen, fait de la publicité ou s’occupe du recrutement de joueurs pour un établissement de jeux de hasard prohibé par la loi ou non explicitement autorisé en vertu de la loi ou d’un établissement similaire situé à l’étranger. »
On a donc ici en effet bien affaire à de la publicité illégale.
Le Jury a également constaté que dans le spot TV .net est mentionné verticalement et que en cherchant partypoker via Google, on voit partypoker.com comme première option.
Vu ce qui précède et tenant compte de l’avis de la commission des jeux de hasard, le Jury a demandé à l’annonceur d’arrêter la diffusion des spots TV pour partypoker.net.
L’annonceur a interjeté appel contre cette décision du Jury.
Il s’est référé aux arguments déjà avancés en première instance et a également cité les raisons suivantes pour l’appel:
- il n’est pas correct, de manière générale, sans distinction, d’assimiler les sites .net aux sites .com. L’avis de la commission des jeux (février 09) n’interdit pas de manière générale les sites .net – sans distinction - mais considère que ces sites sont autorisés pour autant qu’ils ne fassent pas de publicité pour les sites .com.
- les jeux offerts sur partypoker.com et partypoker.net sont tout à fait conformes à la législation en vigueur.
- partypoker.net ne fait, en aucune façon, de la publicité pour partypoker.com et il n’existe donc aucun lien direct entre les sites partypoker.net et partypoker.com. Par conséquent, les spots TV ne constituent pas de la publicité pour un établissement de jeux de hasard interdit par la loi belge sur les jeux de hasard.
- le nouveau point de vue de la commission des jeux de hasard, où les sites .net sont tout simplement assimilés aux sites .com, ne trouve aucun fondement dans la loi belge sur les jeux de hasard. Ce n’était pas l’intention du législateur de réglementer en soi les activités de divertissement telles qu’un site .net où il n’est pas joué pour de l’argent réel.
- la mention verticale de .net, ainsi que le fait que si on introduit partypoker dans Google, on reçoit comme première option partypoker.com, ne peut être une raison pour interdire cette publicité.
L’annonceur a ensuite également fait valoir ses moyens par rapport à l’avis complémentaire de la commission des jeux de hasard :
- L’annonceur a souligné que les jeux qu’il offre en ligne sur partypoker.com sont tout à fait conformes à la législation en vigueur. Partygaming offre ses services en ligne dans de nombreux pays dans le monde, dont des pays de l’Union européenne, sur base d’une licence tout à fait légale délivrée par les autorités de Gibraltar. Son offre en ligne n’est pas spécialement adressée à la Belgique.
- L’interdiction générale d’exploitation de jeux de hasard via Internet est incompatible avec le droit européen. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice elle constitue une restriction au sens de l’article 49CE (limitation de la libre circulation des services). Une telle interdiction générale d’offrir des jeux de hasard via le canal d’Internet constitue une mesure disproportionnée et inconsistante parce que le canal d’Internet est interdit de manière générale sans aucune possibilité de licence alors que la loi belge autorise bien d’offrir des jeux de hasard via d’autres canaux (casinos, …) moyennant une licence.
- Selon la Directive européenne 98/34/EG, des règles techniques concernant les services de la société de l’information doivent être préalablement portées à la connaissance de la Commission européenne sous forme de projets. L’interdiction d’offrir des jeux de hasard via Internet en Belgique (art. 4 de la loi sur les jeux de hasard) constitue une règle technique au sens de la Directive. Selon l’information de l’annonceur, la Commission européenne n’en a pas été informée, ce qui conduit, selon la jurisprudence constante de la Cour de Justice, à la non applicabilité de l’interdiction aux particuliers.
- L’annonceur conteste l’applicabilité de la loi sur les jeux de hasard à partypoker.net. Le fait que Partygaming soit une société de droit privé dont la majorité des revenus provient des jeux de hasard payants (partypoker.com) n’empêche pas qu’elle offre également, à côté, un site gratuit tout à fait séparé (partypoker.net qui, à défaut de mise pécuniaire, tombe en dehors du champ d’application de la loi sur les jeux de hasard).
- La commission des jeux de hasard ne conteste d’ailleurs pas qu’il n’y a pas de jeux de hasard offerts sur partypoker.net. Elle ne le peut pas puisqu’un des éléments constitutifs pour pouvoir parler de jeu de hasard au sens de la loi manque, à savoir un enjeu pécuniaire. C’est pourquoi la commission des jeux de hasard a essayé de soumettre les spots TV pour partypoker.net au champ d’application de l’interdiction de publicité pour les établissements de jeux de hasard de l’article 64, 2° de la loi sur les jeux de hasard, sur base de l’argumentation que ces dispositions légales stipulent que la publicité indirecte pour des sites de jeux de hasard payants illégaux est interdite. Selon l’annonceur, ce point de vue doit être rejeté puisque la publicité en question ne contient aucune forme de publicité directe ou indirecte pour un site payant et que le site partypoker.net ne contient aucun lien ou référence au site payant. L’argument relatif à la publicité indirecte n’est d’ailleurs étayé par aucun élément concret. Par ailleurs, l’annonceur rappelle que son site payant est exploité légalement, sur base d’une licence accordée légalement.
- Enfin, il a affirmé que l’avis de la commission des jeux de hasard est basé sur une interprétation erronée de l’article 64, 2° de la loi sur les jeux de hasard. Cette disposition n’interdit que la publicité pour un ‘établissement de jeux de hasard’ qui est interdit par la loi ou n’est pas expressément autorisé conformément à la loi. Un établissement de jeux de hasard est défini à l’article 2, 3° comme ‘ les bâtiments ou les lieux où sont exploités un ou plusieurs jeux de hasard‘. Il s’agit de place réelle. Des sites Internet ne forment dès lors pas d’établissement de jeux de hasard au sens de la législation belge. C’est un principe général que les dispositions pénales doivent être interprétées de manière restrictive.
Jury d’appel
Le Jury siégeant en appel a examiné la requête d’appel contre la décision du Jury de 1ière instance :
I. Recevabilité
Le Jury a constaté que les conditions de recevabilité étaient remplies et a par conséquent déclaré l’appel recevable.
II. Fond
Le Jury d’appel a constaté que la publicité émane de l’entreprise Partygaming qui gère aussi bien le site internet gratuit partypoker.net (dont on fait la publicité dans les spots TV en question) que le site internet payant partypoker.com. Les deux sites internet portent donc le même nom « partypoker », bien qu’avec une autre extension, à savoir respectivement les extensions .net et .com.
Le Jury a constaté que si le téléspectateur, après avoir vu les spots TV en question (dans lequel .net est mentionné verticalement), surfe via un moteur de recherche en indiquant « partypoker », il voit apparaître toutes sortes de liens/adresses de sites avec comme premier lien, le site payant partypoker.com.
De plus, le site partypoker.com et le site partypoker.net se ressemblent beaucoup (même look and feel). Selon une information sur le net, il s’avère que les jeux dénommés « gratuits » sur partypoker.net ne sont rien d’autre qu’un exercice dans des jeux parfaitement identiques que sur partypoker.com, mais provisoirement avec de l’argent fictif.
Les autres liens qui apparaissent en introduisant le nom « partypoker », conduisent à d’autres sites (comme par exemple www.vegaspokerpro.com/party-poker.asp ou www.pokersoft.co.uk/sites/partypoker/) qui renvoient aussi bien à partypoker.net qu’à partypoker.com. Si toutefois on clique sur ou en dessous du lien partypoker.net sur ces sites, on ne se retrouve pas sur le site gratuit en question, mais bien sur le site payant partypoker.com.
Il est aussi expliqué sur ces liens que partypoker.com attire chaque jour des milliers de nouveaux joueurs grâce au site gratuit partypoker.net.
Sur www.kickasspoker.com, on peut lire sous le titre « Partypoker.net Tv Commercials » que dans la publicité télévisée Partypoker.net est toujours utilisé (dans beaucoup de pays). Aux Etats-Unis, on ne verrait plus les spots TV pour Partypoker.net parce que la version .com n’est plus disponible pour les joueurs de poker des Etats-Unis (apparemment suite à une décision du UIGEA-Unlawful Internet Gambling Enforcement Act). Tout en bas est indiqué : « Sign Up Now and get a $150 bonus if you ever decide to play for real », où la tentation de passer du jeu innocent sans argent au vrai poker pour de l’argent est incontestable.
Eu égard à ce qui précède (même nom « partypoker », sites gérés par la même entreprise à but commercial, même look and feel, information disponible après avoir introduit le terme « partypoker »,..), le Jury a estimé que la publicité pour partypoker.net a bien comme but de recruter des joueurs pour son frère payant partypoker.com. Ceci représente donc une publicité indirecte pour le site internet payant partypoker.com.
Le Jury d’appel a dès lors estimé que les spots TV en question sont contraires aux articles 4 et 64,2° de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs.
Il a ainsi confirmé la décision du Jury de 1ière instance et a demandé à l’annonceur de ne plus diffuser ces spots en Belgique sous aucune forme.
La présente décision du Jury d’appel est définitive.
L’annonceur a confirmé qu’il a arrêté la diffusion en Belgique des spots TV en question sous quelque forme que ce soit. Il a formulé de fortes réserves concernant la décision puisqu’il est en complet désaccord avec le contenu de celle-ci. L’annonceur réserve tous ses droits.
Rue Bara 175, 1070, Bruxelles, Belgique.
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Tel: +32 2 502 70 70