FONDATION CONTRE LE CANCER – 30/04/2015

Description de la publicité

L’affiche montre un banc solaire auquel est pendue une pancarte orange avec le texte « Turbo Cancer 3000 ». A côté, le texte « Les bancs solaires augmentent le risque de cancer de la peau. Evitez-les ! » et le logo de l’annonceur.

Motivation de la plainte

La plainte détaillée introduite par une fédération professionnelle peut être résumée comme suit.

Après avoir argumenté pourquoi le Jury est compétent en matière de communication non commerciale, le plaignant invoque plusieurs raisons pour lesquelles la publicité concernée est selon lui en infraction avec la législation applicable ou du moins avec le Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale.

1) Selon le plaignant, la campagne est malhonnête, fausse et trompeuse pour plusieurs raisons.

1a) Tout d’abord, la campagne est trompeuse à défaut de nuance et à cause de l’omission de données essentielles concernant le cadre légal sévère dans lequel opèrent les centres de bronzage en Belgique. Les normes sont en effet tellement sévères que les risques éventuels sont fortement réduits.

1b) Deuxièmement, la campagne est trompeuse parce qu’elle se focalise uniquement sur un risque éventuel de cancer de la peau alors que le fait de bronzer peut comporter beaucoup d’avantages dans d’autres domaines. Cela évidemment dans la mesure où le bronzage se fait de manière responsable. Un homologue néerlandais de la Fondation contre le Cancer plaide justement pour un bronzage responsable, sans diaboliser les centres de bronzage et/ou adopter des points de vue hors contexte.

1c) Troisièmement, la campagne est trompeuse, fausse et malhonnête parce que la Fondation contre le Cancer avance quelques thèses sans aucun fondement ou sans éléments qui puissent prouver ces thèses. Ainsi, la Fondation contre le Cancer commet une double infraction: d’une part, elle est trompeuse en faisant des déclarations malhonnêtes et fausses. D’autre part, elle ne peut pas étayer toutes les thèses de manière suffisante selon le plaignant.

Après avoir élaboré de manière plus détaillée les points mentionnés ci-dessus, compte tenu entre autres de la réglementation belge relative aux centres de bronzage, le plaignant conclut que,  indépendamment du fait que la Fondation contre le Cancer porte préjudice au plaignant, à ses membres et au secteur, il faut constater que des campagnes non étayées et non fondées peuvent également porter préjudice dans d’autres domaines. Dans la mesure où les thèses ne peuvent pas être étayées – et cela semble être le cas au moins pour quelques thèses – le consommateur peut en effet considérer certaines théories ou thèses comme des faits prouvés. Le consommateur moyen qui est moins critique si les informations viennent d’une fondation telle que la Fondation contre le Cancer, acceptera les thèses comme vraies. Il y a donc un grand risque que le public soit trompé.

De plus, il peut y avoir un grand problème avec des campagnes qui proviennent d’institutions comme la Fondation contre le Cancer. De telles campagnes risquent en effet de perdre toute leur crédibilité si des fondations et asbl, sous prétexte du bien ou de l’intérêt commun, peuvent publier ou prétendre n’importe quoi. Et ceci, en sus de tous les préjudices aux tiers, provoqués par les campagnes concernées et incorrectement ou non étayées.

2) Ensuite, le plaignant souligne que la publicité est dénigrante pour tout le secteur et que les propos utilisés ne sont pas proportionnés au but recherché.

Selon le plaignant, on brosse un tableau erroné du secteur. Les affirmations portent préjudice, sans exception, au plaignant, à ses membres et à son secteur. Les thèses de la Fondation contre le Cancer sont tendancieuses et toutes tendancieuses dans le même sens qui est totalement contraire aux intérêts du plaignant.

Il va de soi que la Fondation est libre d’avancer ses points de vue dans la mesure où elle se limite à ce qui nécessaire pour transmettre son message.

Ce qui n’est cependant pas acceptable, c’est de viser, de dénigrer et de discréditer sans pitié un secteur entier qui a légalement le droit d’exister et pour lequel il existe un cadre légal. Les centres de bronzage ont le droit d’exister et sont soumis à un cadre légal. Il est carrément insultant et dénigrant d’appeler leurs services ‘Turbo Cancer 3000’. Dans cette simple mention se cache la suggestion que les exploitants des centres de bronzage ne mettent pas à disposition un banc solaire qui répond à toutes les normes légales, mais qu’ils sont sciemment des distributeurs de cancer. Dans cette simple mention, se cache une lourde accusation destructive pour la réputation du plaignant, de ses membres et de son secteur. L’infraction à l’article 12 du code ICC est donc évidente.

En outre, le plaignant est d’avis que les mots choisis sont exagérés et ne sont pas proportionnés au but recherché. Le but est de sensibiliser et non de choquer. Le but est d’informer et non d’insulter. ‘Turbo Cancer 3000’ dépasse largement les limites de l’admissible et a pour but de choquer et d’insulter, ce qui est contraire aux règles du JEP relative à la communication non commerciale.

Selon le plaignant, il va finalement de soi que le fait de tolérer de telles campagnes peut avoir à court terme des conséquences néfastes pour la réputation de la publicité en général. Un tel ton agressif n’a en effet pas sa place dans la publicité et ne peut en aucun cas devenir une habitude. Si cela était le cas, le débat public dans les campagnes deviendrait un débat dur et impitoyable dans lequel il n’y aurait plus de respect pour la dignité des autres acteurs de la vie sociale.

Position de l'annonceur

L’annonceur a précisé que la plainte:

- est irrecevable parce que le JEP n’est pas compétent pour se prononcer sur la plainte (voir point 1) ; et

- n’est pas fondée parce que la Fondation n’a commis aucune infraction aux dispositions légales, ni aux dispositions éthiques (voir point 2).

1) Irrecevabilité de la plainte

1.1 La qualité du plaignant

Bien que l’annonceur ait reçu une copie dépersonnalisée de la plainte, on peut déduire des articles de presse que la plainte a été introduite par une fédération professionnelle concernée.

L’article 5 du règlement du JEP stipule ce qui suit:

« Le Jury de première instance peut être saisi d’une plainte concernant un message publicitaire à l’initiative de toute personne physique ou morale suivante et pour autant qu’elle agisse dans un but de défense des intérêts du consommateur et/ou de l’image de  la  publicité:  consommateur,  organisation  de  consommateurs, association  socio-culturelle,  association/fédération  professionnelle,  membre  ou représentant  d’une instance officielle ou d’un pouvoir public. »

Les plaintes doivent dès lors être introduites par un consommateur ou une personne morale pour autant qu’il ne poursuive pas d’intérêt commercial par rapport à l’annonceur concerné.

De plus, l’article 2 du règlement du JEP stipule que le Jury n’a pas pour mission de trancher des litiges entre concurrents.

Il s’agit en l’espèce d’une association qui représente le secteur des bancs solaires en Belgique et qui poursuit clairement des intérêts commerciaux. Elle a en effet investi beaucoup d’argent pour soutenir la recherche sur les aspects positifs des rayons ultraviolets et espère attirer de nouveaux clients.

On ne peut pas non plus contester que ses membres poursuivent des buts commerciaux. Ils font en effet de la publicité pour l’usage des bancs solaires. Cela est par conséquent également le cas pour la fédération professionnelle en tant que représentante du secteur des bancs solaires.

En outre, on peut lire dans les publications de l’association qu’elle promeut l’usage des bancs solaires.

Il en résulte clairement qu’elle poursuit des intérêts commerciaux. Que cet intérêt commercial soit insignifiant ou pas, n’y change rien.

L’annonceur a dès lors demandé au Jury de déclarer la plainte irrecevable.

1.2 Contenu de la publicité

Compte tenu de l’article 2 du règlement du JEP, l’annonceur a également précisé que le JEP ne peut pas juger le contenu des sites internet qui ne sont pas des messages publicitaires. Le Jury a en effet déjà jugé que, en ce qui concerne les sites internet, sa compétence se limite au contenu publicitaire.

Cependant, le site internet de la Fondation a pour but d’informer la population sur le cancer. Les publications contestées servent à informer correctement la population sur les effets cancéreux des bancs solaires. Cette information n’est pas un message publicitaire.

2) Plainte non fondée

Ensuite, l’annonceur a invoqué des arguments fondés afin de démontrer que:

- la campagne n’est pas trompeuse ;

En effet, l'annonceur n'omet pas de données essentielles concernant le cadre légal dans sa campagne mais déclare que même si les centres de bronzage respectent entièrement la règlementation belge, ceci n'implique pas que l'usage des bancs solaires soit sûr. En outre, selon lui, plusieurs sources révèlent que la majorité des centres de bronzage ne respectent pas ce cadre légal.

Par ailleurs, le plaignant ne fournit aucune preuve des avantages qui seraient propres à l'utilisation de bancs solaires. L'annonceur souligne le fait que même si l'utilisation de bancs solaires aurait certains avantages – ce que le plaignant ne démontre pas - , les inconvénients qui en découlent sont nettement plus importants que les avantages potentiels.

- la campagne peut bien être étayée ;

- la campagne n’est pas dénigrante et que les propos utilisés sont proportionnés au but recherché.

L'annonceur précise que son intention est d'informer la population de manière correcte quant aux effets cancérigènes de l'utilisation de bancs solaires. En outre, toutes ses affirmations sont correctes et scientifiquement soutenues.

Décision du Jury

Le Jury a pris connaissance de la plainte déposée par une fédération professionnelle contre la campagne en question.

A ce sujet, le Jury a tout d’abord souligné que, si les fédérations professionnelles figurent bien à l’article 5 du règlement du Jury sur la liste des parties qui en principe peuvent introduire une plainte au Jury, pour cette catégorie de plaignants potentiels, une plainte n’est également recevable que si elle est introduite dans un but de défense des intérêts du consommateur et/ou de l’image de la publicité, comme c’est le cas pour les autres plaignants.

En l’espèce, le Jury a estimé que le plaignant ne convainc pas qu’en dénonçant cette campagne de sensibilisation, il a pour but la défense des intérêts du consommateur et/ou de l’image de la publicité.

Au contraire, selon le Jury, il ressort de l’ensemble des éléments de ce dossier que la plainte a bien pour simple but la défense des intérêts de la fédération professionnelle concernée.

Le Jury a notamment estimé que l’insertion de références sporadiques aux intérêts des consommateurs et/ou à l’image de la publicité dans la plainte concernée ne sont pas de nature à changer cela, d’autant plus que la tendance générale de la plainte fait par ailleurs indéniablement référence aux conséquences négatives de la campagne contestée pour le plaignant, ses membres et le secteur concerné.

Le Jury a dès lors estimé que la plainte en question ne répond pas aux conditions de recevabilité de l’article 5 de son règlement.

Compte tenu de ce qui précède et sur la base de la disposition susmentionnée, le Jury a dès lors déclaré la plainte irrecevable.

Le Jury n’a dès lors pas examiné au fond le contenu spécifique de la plainte.

Le plaignant a interjeté appel contre la décision du Jury de première instance.

Appel

Position plaignant en appel

La fédération professionnelle qui a introduit la plainte soulève essentiellement des arguments analogues à ceux en première instance afin d’argumenter que la plainte n’a pas pour but (unique) de défendre les propres intérêts de la fédération professionnelle, mais qu’elle a pour but principal de défendre les intérêts du consommateur. En outre, elle est d’avis que la campagne peu nuancée et trompeuse de la Fondation contre le Cancer concerne l’image de la publicité en général.

1) Défense des intérêts du consommateur

Le plaignant est d’avis que la plainte va plus loin que la (simple) défense des intérêts du secteur professionnel.

Le secteur des bancs solaires a fait de nombreux investissements sur base de la réglementation des autorités afin de limiter les risques potentiels auxquels le consommateur peut être exposé en utilisant un banc solaire, à un niveau acceptable pour la santé publique. Le plaignant se réfère entre autres à l’arrêté royal du 20 juin 2002 relatif aux conditions d'exploitation des centres de bronzage et aux buts visés par cet arrêté royal.

Le cadre légal n’a pas été établi à la demande ni en fonction des intérêts du secteur des bancs solaires, mais uniquement dans l’intérêt du consommateur.

Le consommateur a aussi intérêt à pouvoir utiliser les produits et services des centres de bronzage de manière sûre, contrôlée, informée et durable.

A cause de la campagne de sensibilisation de la Fondation contre le Cancer, le consommateur reçoit de l’information déloyale, fausse et trompeuse.

Il n’est pas contestable que le consommateur doit être informé de manière complète et correcte en ce qui concerne l’usage et les risques du banc solaire, et que la publicité malhonnête, fausse et trompeuse empêche cela.

Le consommateur ne bénéficie pas du fait que la campagne de la Fondation contre le Cancer minimalise et affaiblit les efforts susmentionnés au moyen d’informations fautives.

Compte tenu des raisons ci-dessus, on peut dire que le plaignant (à côté de ses propres intérêts) souhaite bien défendre également les intérêts du consommateur par cette plainte.

2) Défense de l’image de la publicité

A côté des intérêts du consommateur, la campagne de sensibilisation de la Fondation contre le Cancer concerne également l’image de la publicité, selon le plaignant.

Le plaignant est d’avis que la campagne informe le consommateur de façon erronée, lacunaire et angoissante sur les dangers du banc solaire et le risque de cancer. Il est extrêmement positif que la société soit sensibilisée en ce qui concerne les conséquences du bronzage irresponsable, à condition que cela se fasse de manière correcte.

La Fondation contre le Cancer jouit à bon droit d’un grand prestige chez le consommateur, raison pour laquelle il est d’importance primordiale que l’information communiquée soit honnête, véritable et non trompeuse.

Le fait d’accepter de telles campagnes est une mauvaise tendance pour le futur vu qu’on accepterait que la publicité puisse servir de moyen pour diffuser des campagnes malhonnêtes, fausses et trompeuses, ce qui n’est pas avantageux pour le consommateur.

Pour ces raisons, le plaignant a estimé que le plainte, à côté des intérêts du consommateur, essaie de défendre également l’image de la publicité. La plainte est dès lors recevable et doit être examinée au fond.

Défense annonceur en appel

L’annonceur reprend essentiellement sa défense antérieure.

En ce qui concerne la recevabilité de la plainte, il est selon lui clair que le plaignant poursuit des buts commerciaux. Que cet intérêt commercial soit insignifiant ou pas, n’y change rien.

Cela est d’ailleurs confirmé par le Jury de première instance. Dans sa décision, il affirme que la plainte a pour simple but la défence des intérêts de la fédération professionnelle concernée. L’insertion de références sporadiques aux intérêts des consommateurs et/ou à l’image de la publicité dans la plainte concernée ne sont pas de nature à changer cela, d’autant plus que la tendance générale de la plainte fait par ailleurs indéniablement référence aux conséquences négatives de la campagne contestée pour le plaignant, ses membres et le secteur concerné.

Cela reste le cas dans la requête d’appel. Les références à la défense prétendue des intérêts du consommateur et de l’image de la publicité n’y changent rien.

Par conséquent, le Fondation demande que la décision du Jury de première instance soit confirmée et que la plainte soit considérée comme irrecevable par le Jury.

Décision Jury d’appel

I. RECEVABILITE

En ce qui concerne la recevabilité de la requête d’appel, le Jury a tout d’abord constaté que:

  • la requête (03.04.2015) a été introduite dans les 5 jours ouvrables suivant la date d’envoi de la décision du Jury de première instance (01.04.2015) ;
  • la caution a été versée ;
  • la requête contient une motivation claire des raisons de l’appel.

Vu ce qui précède, le Jury a déclaré la requête d’appel recevable.

II. QUANT AU FOND

Le Jury d’appel a pris connaissance du contenu de la publicité en question et de la plainte concernée ainsi que de tous les éléments et points de vue communiqués dans ce dossier.

Le Jury a notamment noté que le Jury de première instance a déclaré la plainte en question irrecevable sur base de l’article 5 du règlement du Jury, qui stipule ce qui suit:

« Le Jury de première instance peut être saisi d’une plainte concernant un message publicitaire à l’initiative de toute personne physique ou morale suivante et pour autant qu’elle agisse dans un but de défense des intérêts du consommateur et/ou de l’image de  la  publicité:  consommateur,  organisation  de  consommateurs, association  socio-culturelle,  association/fédération  professionnelle,  membre  ou représentant  d’une instance officielle ou d’un pouvoir public. »

Le Jury d’appel confirme que cette décision s’impose sur base des différents éléments de ce dossier.

Le Jury d’appel a notamment estimé que le plaignant, compte tenu également de son argumentation en appel, ne convainc pas qu’il a pour but la défense des intérêts du consommateur et/ou de l’image de la  publicité en dénonçant cette campagne de sensibilisation.

Le fait que le secteur concerné et les membres de la fédération professionnelle concernée soient soumis à un cadre légal qui a pour but de garantir la sécurité et la santé du consommateur, ne suffit pas pour assurer que cela soit bien le cas, comme le plaignant semble le suggérer dans sa requête d’appel.

De plus, le Jury d’appel, comme le Jury de première instance, est d’avis que la tendance générale de la plainte doit être prise en considération lors de l’examen de la question de savoir si elle répond aux conditions de recevabilité de l’article 5 du règlement du JEP. A ce sujet, le Jury est d’avis qu’en l’espèce la plainte originale se réfère de manière indéniable et dominante aux conséquences négatives de la campagne contestée pour le plaignant, ses membres et le secteur concerné. Ainsi, il est difficile de prétendre que les intérêts commerciaux éventuellement menacés n’étaient pas le motif déterminant du plaignant pour introduire la plainte.

Compte tenu de l’ensemble des éléments de ce dossier, le Jury d’appel a estimé que la plainte a bel et bien pour simple but de défendre les intérêts des membres et le secteur concerné.

Le Jury confirme dès lors que la plainte est irrecevable sur base de l’article 5 du règlement du JEP.

Le Jury d’appel déclare dès lors l’appel non fondé et confirme la décision du Jury de première instance, à savoir que la plainte est irrecevable.

Suite

La décision du Jury d’appel concernant l’irrecevabilité de la plainte est définitive.

Le Jury n’a donc pas examiné le contenu spécifique de la plainte.

Annonceur:FONDATION CONTRE LE CANCER
Produit/Service:Campagne contre les bancs solaires
Média:Affichage
Type de décision:Autre
Date de clôture: 30/04/2015