Le spot montre un pot de Nutella puis successivement les différents ingrédients du Nutella sous forme de film d’animation.
VO: « Quels sont les 7 ingrédients qui constituent Nutella ?
Des noisettes sélectionnées pour leur qualité, récoltées en Italie et en Turquie, puis torréfiées et broyées au dernier moment pour préserver le maximum d’arômes et de fraîcheur.
Du cacao, cultivé au Gana, Nigéria et Côte D’Ivoire et récolté après les pluies d’été, au moment où les fèves sont les plus savoureuses.
Du sucre de betteraves, essentiellement françaises.
De la poudre de lait et du petit lait de Belgique et de France et un peu de vanilline.
Pour l’onctuosité, de l’huile de palme naturellement extraite des fruits de palmiers à huile. Elle provient de Malaisie, Papouasie, Nouvelle Guinée, issue d’une filière certifiée respectueuse de l’environnement (on voit le logo d’un palmier avec la mention« Certified sustainable palmoil RSPO » et le texte en bas de l’écran « RSPO – 1106110 »).
Un peu de lécithine issue du tournesol et du soja. Et c’est tout.
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Nutella, c’est 7 ingrédients de qualité et un plaisir unique.
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Tout d’abord, l’annonceur souhaite revenir sur les objectifs de sa campagne:
Le premier repose sur la constatation que les consommateurs attendent toujours plus de transparence de la part des marques; ils sont curieux de la composition des produits qu’ils consomment. L’annonceur souhaite donc les informer sur tous les ingrédients ainsi que sur leur provenance.
Le second concerne la qualité de ses ingrédients, le soin particulier pris à les sélectionner et le savoir-faire à travailler ces ingrédients.
L’annonceur conteste présenter Nutella en tant que produit « sain ». Les aspects « joyeux et bon enfant » relevés par le plaignant ont pour objectif d’illustrer en termes simples, un message informatif relativement long. Nutella est présenté comme un produit synonyme de plaisir constitué d’ingrédients de qualité.
En ce qui concerne les reproches au sujet de l’huile de palme, l’annonceur souligne que le plaignant aura probablement été abusé par les campagnes de dénigrement en cours en France et en Wallonie, campagnes qui ne sont pas sans rappeler les attaques dont l’huile de palme fut déjà la cible aux Etats Unis dans les années 80. L’annonceur se réfère à un rapport fouillé publié par le Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé en décembre 2012, portant sur les aspects nutritionnels, sociaux et environnementaux de cet ingrédient et constate que les experts sont loin de conforter les jugements superficiels et alarmistes trop souvent diffusés par certains acteurs opportunistes.
Sur le plan environnemental, le film indique que pour la fabrication du produit, une l’huile de palme durable certifiée RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) est utilisée. L’annonceur a sélectionné le standard « ségrégé », niveau de certification le plus exigeant puisqu’il est le seul à assurer une traçabilité totale depuis les plantations d’origine jusqu’à l’utilisation dans le produit final. Cette certification garantit que toutes les plantations ont été auditées par des organismes tiers indépendants et répondent à un cahier des charges rigoureux en matière de pratiques sociales, environnementales et économiques.
L’annonceur souligne également que des ONG comme Greenpeace ou le WWF ne sont pas opposées à la production d’huile de palme dès lors qu’elle provient de cultures responsables certifiées.
Au sujet des aspects sanitaires, l’annonceur souligne les éléments suivants:
- Le principal reproche fait à l’huile de palme repose sur sa teneur en acides gras saturés: 50%, c’est-à-dire plus que l’huile de tournesol (11%) ou d’olive (15%) et moins que le beurre (57%) ou l’huile de coco (92%).
- L’huile de palme n’est pas, en soi, dangereuse pour la santé. Comme pour n’importe quel autre aliment, c’est la consommation en excès qui peut être nuisible.
- Les acides gras saturés sont présents naturellement dans de nombreux produits tels que le beurre, le fromage, la viande et les charcuteries. Selon l'enquête de consommation menée par les autorités belges de santé publique en 2004, ces produits sont les principaux pourvoyeurs d'acides gras saturés dans l’alimentation des Belges.
Le choix de l’huile de palme dans la recette de Nutella est donc un choix tout à fait légitime et responsable. Son utilisation garantit l’onctuosité ainsi que la stabilité. Par ailleurs, sans goût et sans odeur, elle permet aux autres ingrédients tels que les noisettes et le cacao de libérer leurs saveurs et de conférer au produit son goût unique, tant apprécié des consommateurs. Pour garantir la même qualité en optant pour une autre huile végétale, l’annonceur serait obligé de l’hydrogéner partiellement, ce qui aurait pour conséquence la création d’acides gras trans. Or, ces acides gras trans sont eux, reconnus nocifs par le monde médical et les pouvoirs publics. Aucune hydrogénation partielle n’étant nécessaire dans le cas de l’huile de palme, un produit sans acides gras trans peut être garanti au consommateur.
Décision Jury de première instance
Tout d’abord, le Jury n’a pas constaté dans le spot la présence d’éléments textuels ou visuels pouvant être interprétés comme des allégations nutritionnelles ou de santé. Il n’a dès lors formulé aucune remarque à cet égard.
Ensuite, le Jury entend rappeler que sa compétence se limite à l’examen de la publicité et non au produit qui en fait l’objet, en ce compris notamment l’ingrédient que constitue l’huile de palme. Le Jury n’est donc pas compétent pour se prononcer sur la qualité de cet ingrédient.
Le Jury a relevé que, dans la séquence consacrée à l’huile de palme, il est mentionné que celle-ci est « naturellement extraite des fruits de palmiers à huile ». Suite à la réponse de l’annonceur, le Jury a noté que l’huile de palme est extraite par pression à chaud, contrairement à d’autres huiles extraites par solvant des graines.
Le Jury est d’avis que l’utilisation du terme « naturellement » dans le contexte de l’huile de palme, controversée à tort ou à raison, est susceptible de porter à confusion dans la mesure où ce terme suggère une méthode d’extraction spécifique à l’annonceur, en lui attribuant en sus une connotation positive, alors qu’il s’agit en fait de la méthode habituelle d’extraction de l’huile de palme. Le Jury a estimé que la publicité exploite ainsi le manque de connaissance du consommateur moyen, ce qui est contraire à l’article 1 du Code de la Publicité Ecologique.
Le Jury a également constaté que, dans la même séquence, il est mentionné que l’huile de palme est « issue d’une filière certifiée, respectueuse de l’environnement » (« afkomstig van een gecertificeerde en milieuvriendelijke keten » en néerlandais).
Sans juger de la valeur de la certification accordée, le Jury a estimé que les termes « respectueuse de l’environnement » sont trop absolus et peuvent indirectement induire le consommateur en erreur quant aux caractéristiques du produit au sujet de ses effets sur l’environnement, ce qui est contraire à l’article 3 du Code de la Publicité Ecologique.
Eu égard à ce qui précède et sur la base des dispositions susmentionnées, le Jury a demandé à l’annonceur de modifier la publicité sur ces deux points et à défaut de ne plus la diffuser.
L’annonceur a interjeté appel contre la décision du Jury de première instance.
Position annonceur (appel)
Concernant le bien-fondé de la mention « naturellement extraite des fruits du palmier à huile », l’annonceur réfute catégoriquement l’interprétation du Jury et ce, pour de nombreuses raisons:
1. L’extraction naturelle n’est pas la méthode d’extraction d’huiles issues de cultures occidentales telles que le tournesol, le colza et le soja, par conséquent la plupart des consommateurs n’ont pas connaissance de cette méthode particulière. Il s’agit donc pour lui de délivrer une information objective et pertinente qui permet aux consommateurs de mieux comprendre la nature du produit qu’ils consomment.
2. En donnant cette information, il explique également que, contrairement à de nombreuses idées reçues, l’huile de palme n’est pas extraite d’un tronc d’arbre ou d’une palme mais d’un fruit. Son film contribue donc là aussi à éclairer le consommateur sur un ingrédient largement consommé et pourtant méconnu.
3. Absolument rien dans la façon dont sa publicité présente cet argument ne suggère qu’il s’agit là d’une méthode d’extraction de l’huile de palme propre à Nutella.
Il est convaincu de respecter l’article 1 du Code de la Publicité Ecologique puisqu’il ne sollicite pas abusivement les préoccupations de la société ni exploite le manque de connaissance dans ce domaine. Bien au contraire, son objectif est de donner une information fiable et honnête au consommateur belge souvent mal informé sur la question, voire désinformé par les campagnes de dénigrement de l’huile de palme en cours qui n’auront probablement pas échappé au Jury.
Concernant le bien-fondé de la mention « issue d’une filière certifiée, respectueuse de l’environnement », l’annonceur conteste qu’elle soit trop absolue.
Il ne dit pas que l’huile de palme est sans aucun effet sur l’environnement, d’ailleurs aucune activité humaine – la plus insignifiante soit-elle – n’est totalement neutre sur l’environnement. Il dit simplement « respectueuse de l’environnement », au même titre que de nombreux autres annonceurs d’autres domaines tels que l’automobile, l’énergie ou encore les produits lessiviels, entre autres, utilisent des terminologies visant le respect de l’environnement (100% vert, zéro émission, …). D’autre part, il note que les autorités belges (ministère fédéral du climat et de l’énergie) utilisent également ce vocable pour évoquer des secteurs et marques désireux de réduire l’impact environnemental de leurs produits.
Sa volonté est d’informer le consommateur belge qui peut entendre ou lire des informations alarmistes, superficielles et sans discernement au sujet de l’huile de palme et sa mise en œuvre dans la recette de Nutella. Il est donc indispensable qu’il informe la communauté sur son choix légitime et responsable en la matière, à savoir le recours exclusif pour la recette de Nutella à une huile de palme durable certifiée RSPO répondant au standard « ségrégé », ce qui représente par ailleurs un investissement considérable.
Le RSPO est l’organisme de référence en matière d’huile de palme durable. Il associe des centaines de stakeholders dont des Organisations Non Gouvernementales environnementales de renom telles que WWF et la certification aux standards RSPO est opérée via le recours à des tiers indépendants. L’annonceur renvoie aux principes et critères du RSPO en matière de « Environmental responsibility and conservation of natural resources and biodiversity ». La référence explicite au RSPO dans sa publicité permet à tout un chacun de vérifier sur le site internet de l’organisation les fondements de ses engagements, lesquels vont d’ailleurs bien au-delà du peu que l’annonceur en reporte dans la formulation « respectueuse de l’environnement ».
L’annonceur souligne, en se référant à des publications internationales, que:
- L’huile de palme a un rendement à l’hectare plus de 6 fois supérieur à n’importe quelle autre huile végétale. Dans un contexte de croissance continue de la demande alimentaire mondiale et de disponibilité limitée des terres cultivables de notre planète, le recours à toute autre huile végétale en remplacement de l’huile de palme aurait des effets catastrophiques sur la déforestation.
- La production d’huile de palme s’établissant dans les régions tropicales exige peu voire pas d’irrigation artificielle: la consommation d’eau est donc réduite par rapport aux autres huiles de tournesol, de colza ou de soja.
- La culture d’huile de palme nécessite moins d’énergie, de fertilisants et de pesticides que n’importe quelle autre huile végétale.
Opter pour l’huile de palme certifiée durable RSPO est un choix légitimement justifié d’un point de vue environnemental d’autant plus que le tournesol, le colza ou le soja ne peuvent pas se prévaloir d’une certification durable aussi exigeante… sans pour autant être la cible de quelconques campagnes de désinformation et de dénigrement.
Décision Jury d’appel
I. RECEVABILITÉ
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d’appel, le Jury a tout d’abord constaté que:
- la requête (29.07.2013) a été introduite dans les 5 jours ouvrables suivant la date d’envoi de la décision du Jury de première instance (24.07.2013) ;
- la caution a été versée ;
- la requête contient une motivation claire des raisons de l’appel.
Vu ce qui précède, le Jury a déclaré la requête d’appel recevable.
II. QUANT AU FOND
Le Jury d’appel a pris connaissance du contenu de la publicité en question pour Nutella et de tous les éléments et points de vue communiqués dans ce dossier.
Tout d’abord, le Jury d’appel a confirmé que sa compétence se limite à l’examen de la publicité et non au produit qui en fait l’objet, en ce compris notamment l’ingrédient que constitue l’huile de palme.
Concernant la mention « naturellement extraite des fruits du palmier à huile » dans la publicité, le Jury d’appel a estimé que tant le choix du mot « naturellement » que son utilisation à ce moment précis dans le spot contribuent à créer l’impression générale que le produit, ses ingrédients et son procédé de fabrication seraient « naturels ».
Comme l’a relevé le Jury de première instance, l’utilisation du mot « naturellement » dans ce contexte tend ainsi à conférer une connotation environnementale positive à un produit qui reste fabriqué industriellement. Le Jury est également d’avis que l’utilisation du mot spécifique « naturellement » est dans ce cas superfétatoire si le but est d’informer davantage le consommateur sur le procédé habituel d’extraction de l’huile de palme.
Le Jury d’appel confirme donc que l’usage que fait ce spot du terme « naturellement » est contraire à l’article 1 du Code de la Publicité Ecologique qui dispose que la publicité doit être conçue de manière à ne pas solliciter abusivement les préoccupations de la société dans son ensemble en matière d’environnement ou exploiter un manque éventuel de connaissances dans ce domaine.
En ce qui concerne l’utilisation du terme « naturellement », le Jury d’appel déclare donc la requête d’appel non fondée et confirme la décision du Jury de première instance.
Concernant la mention « issue d’une filière certifiée, respectueuse de l’environnement », le Jury d’appel a noté que selon le Jury de première instance, les termes « respectueuse de l’environnement » sont trop absolus et peuvent indirectement induire le consommateur en erreur quant aux caractéristiques du produit au sujet de ses effets sur l’environnement, ce qui est contraire à l’article 3 du Code de la Publicité Ecologique.
Le Jury d’appel est néanmoins d’avis que le spot utilise ces termes dans une séquence visant à communiquer sur l’utilisation d’une huile de palme durable certifiée RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) dans la fabrication du produit. Par ailleurs, selon le Jury d’appel, le logo référant à cette certification est clairement visible pendant la séquence de manière à ce que le consommateur puisse s’informer sur cet organisme de certification.
Le Jury a estimé que l’objectif de transparence justifie la communication que l’annonceur fait de cette certification qu’il a obtenue.
Le Jury d’appel, contrairement au Jury de première instance, a donc estimé n’avoir pas de remarques à formuler sur ce point.
En ce qui concerne l’utilisation des termes « respectueuse de l’environnement », le Jury d’appel déclare donc la requête d’appel fondée et réforme la décision du Jury de première instance.
En résumé, le Jury d’appel déclare donc la requête d’appel partiellement fondée et réforme partiellement la décision du Jury de première instance.
Eu égard à ce qui précède, le Jury a demandé à l’annonceur de modifier la publicité en ce qui concerne l’utilisation du terme « naturellement » et à défaut de ne plus la diffuser.
La décision du Jury d’appel est définitive.
L’annonceur a confirmé qu’il respectera la décision du Jury d’appel.
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