VO: « Tu me connais, je suis CEO de (bip). Et j'ai pas de pitié, hein ! Handicapés physiques, mentaux, malentendants... Tous ceux qui peuvent: au travail ! Allez, hup, je fais pas de différence. Ha ha ! Et je les fais travailler moi !... Imprimer, emballer, conditionner, jardiner, et encore et encore... C'est pour ça que je fais appel aux entreprises de travail adapté bruxelloises. Elles mettent au travail des personnes en situation de handicap. Elles sont flexibles, performantes, et tout cela, à des prix compétitifs ! Faites comme moi, soyez sans pitié. Retrouvez leurs services sur www.onsadapte.be. ».
L’annonceur regrette que le message ait été mal perçu car le but était d’interpeller, pas d’indigner, en « réveillant » différemment que par le passé un public cible particulièrement difficile à toucher: les décideurs économiques bruxellois et brabançons.
Le texte est déclamé par un patron sarcastique. Le spot interpelle car ce ton sonne politiquement incorrect s’il est pris au premier degré. Ce choix de ton est un choix publicitaire qui avait notamment pour but de faire ressortir le spot de la coupure pub en interpellant le public ciblé.
L’annonceur est très surpris de l’interprétation faite de ce qui serait dit dans cette publicité. L’acteur qui représente un CEO n’évoque d’aucune manière le travail forcé infligé à des salariés handicapés. L’annonceur invite à lire le texte du spot ou à écouter une deuxième fois le spot pour s’en rendre compte.
Le message principal du spot est que les travailleurs handicapés ne demandent pas la pitié. Car c’est bien le sentiment par excellence que les travailleurs en situation de handicap ne veulent pas susciter. Via leur profession, les ouvriers et employés extraordinaires qui travaillent en entreprise de travail adapté (ETA) acquièrent un statut de travailleur. Comme n’importe qui. Et comme n’importe qui, ils revendiquent qu’on les considère comme des professionnels qui proposent leurs compétences dans le cadre de travaux réalisés pour le compte de clients.
Pour assurer leur objectif social, c’est-à-dire la mise à l’emploi de personnes en situation de handicap, les ETA proposent des services et des produits dans une perspective marchande, avec des règles marchandes. C’est leur moyen pour atteindre la finalité sociale dans les règles du jeu qui ont été fixées par les pouvoirs publics. Ce spot est une action de promotion commerciale. Les ETA s’y présentent comme « flexibles », « performantes » et « compétitives ». Somme toute un message commercial des plus classiques… Ce qui ne sous-entend nullement que, pour assurer ces arguments commerciaux, le personnel en situation de handicap est mis au travail « forcé » et que leur travail « leur est infligé ». Au contraire: les travailleurs sont encadrés en permanence par des professionnels qualifiés ; les postes de travail et/ou les activités sont adaptés si nécessaire en fonction des compétences ; des formations leur sont régulièrement proposées ; en fonction de la taille des ETA, des encadrants « hors production » exercent des fonctions psycho-médicosociales… Le tout encadré et réglementé par le pouvoir subsidiant: la CoCoF.
Deuxièmement, l’acteur dit « Tous ceux qui peuvent, au travail » en parlant des personnes en situation de handicap. L’annonceur ne stigmatise donc pas les personnes qui ne sont pas ou plus-capables de se mettre au travail et en ont la volonté.
Le Jury a pris connaissance de la version en français et en néerlandais du spot radio et a constaté que le spot met en scène un CEO qui recommande à ses collègues CEO d’être comme lui, sans pitié, et de faire appel aux entreprises de travail adapté.
Le Jury a constaté que le texte du message diffusé en combinaison avec le ton utilisé suscitent l’indignation en évoquant une telle façon de conduire une entreprise.
Suite à la réponse de l’annonceur, le Jury a noté que le but du spot est de promouvoir les entreprises de travail adapté en jouant sur l’idée que les travailleurs handicapés ne demandent pas la pitié.
Le Jury est néanmoins d’avis que le message et le second degré visé par l’annonceur ne sont pas assez clairs à l’écoute du spot et que la perception de l’auditeur moyen s’arrêtera au premier degré. L’aspect de mise au travail forcé et de rentabilité risque de ressortir malgré tout à la première écoute.
Le Jury a dès lors estimé que le spot en question risque d’être interprété comme manquant de respect envers la personne humaine et que le spot est ainsi de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine, ce qui est contraire à l’article 4, alinéa 1 du code de la Chambre de Commerce Internationale.
Eu égard à ce qui précède, le Jury a demandé à l’annonceur de ne plus diffuser le spot en question.
L’annonceur a confirmé qu’il respectera la décision du Jury.
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