Les affiches contiennent respectivement ces images :
- des cyclistes sur un sentier près d'un barrage, avec le texte « Concrete helps Europe have renewable energy, flood defences & clean water ! » ;
- un tunnel avec des rails, avec le texte « With concrete, Europe is connected through sustainable transport ! » ;
- des enfants jouant avec leurs parents devant une maison, avec le texte « With concrete, Europe builds safe, sustainable & affordable housing ! ».
En-dessous des images, chaque fois à gauche le slogan « Built in concrete, made with cement. » et à droite le logo de l’annonceur (« Cembureau – The European Cement Association ») avec « More information : lowcarboneconomy.cembureau.eu ».
Le plaignant, une association, a communiqué que ces affiches sont une infraction à plusieurs articles du Code de la publicité écologique.
Article 1 : Selon le plaignant, la publicité sollicite abusivement les préoccupations de la société en matière d’environnement et elle exploite un manque de connaissance du public.
La campagne publicitaire le fait en adoptant une vision très étroite d'une seule facette de la production et de la consommation de ciment. Cependant, le public cible n'est pas suffisamment conscient selon lui des autres impacts environnementaux négatifs du ciment.
Article 3: Selon le plaignant, il est question de tromperie quant à l’impact du secteur du ciment sur l’environnement.
Les affiches donnent l'impression et soutiennent l'affirmation selon laquelle les produits de ciment n'ont qu'un impact positif sur l'environnement. Ce faisant, la publicité omet délibérément selon lui le fait que la production de ciment est responsable
1) de l'émission d'immenses quantités de gaz à effet de serre et d'autres polluants,
2) de la consommation de grandes quantités d'énergie, et 3) de la consommation de ressources naturelles par l'excavation de sable par exemple.
Article 4 : Selon le plaignant, il est question de représentation erronée des impacts de l’ensemble du secteur du ciment.
Il a fait valoir que tous les impacts climatiques et environnementaux de tous les produits du secteur sont assimilés à l'utilisation finale d'une petite partie de ces produits. Selon lui, on omet ici délibérément tout le ciment utilisé à des fins moins réjouissantes, par exemple la construction de centrales au charbon, de plateformes de forage pour le pétrole, de centrales nucléaires, d'autoroutes, etc. L'affiche montrant des infrastructures ferroviaires construites avec du ciment, par exemple, ne mentionne pas les méthodes de transport non durables pour lesquelles le ciment est également utilisé (par exemple aéroports, autoroutes, viaducs, etc.). Il estime donc que l'annonceur induit le public cible en erreur en présentant une partie des activités de l'industrie du ciment comme représentative de l'ensemble du secteur.
Article 6 : Selon le plaignant, la représentation des impacts sur le cycle de vie est trompeuse.
Il a fait valoir que l'impact de la production et du transport du ciment est délibérément omis de la campagne en se concentrant sur les applications qui pourraient avoir un impact positif sur l'environnement. L'impact environnemental de l'ensemble du cycle de vie des produits de ciment est selon lui délibérément occulté en se concentrant sur un nombre limité d'utilisations finales. En outre, la publicité n'indique pas à quelle étape du cycle elle se réfère, ce qui donne l'impression que l'impact sur l'ensemble du cycle de vie est égal à l'impact d'un nombre limité d'utilisations finales du produit.
Articles 7 et 10 : Selon le plaignant, l'utilisation du terme "sustainable" prête à confusion.
Le terme "sustainable" (durable) est selon lui utilisé pour indiquer que le produit n'a aucun impact sur l'environnement pendant tout son cycle de vie. Les maisons durables ou les transports durables ne signifient toutefois pas que tous les matériaux de construction utilisés étaient également durables. Il estime que le mot "durable" est utilisé ici pour créer une confusion sur l'impact environnemental du produit et des services que peuvent rendre ses acheteurs.
L’annonceur a tout d’abord communiqué que le but de l’association est de représenter les intérêts de l’industrie du ciment au niveau européen et international et de faire des analyses des développements dans l’économie, la science et la technique, qui peuvent être intéressants pour l’industrie.
Lui-même et ses membres communiquent sur un grand nombre de sujets liés à la politique, dont le changement climatique, l’économie circulaire et la construction durable sont des thèmes clés. La communication contient le cycle de vie total et pour cela, il a développé la « notion des 5 C » dans laquelle il est indiqué pour chaque phase du cycle (clinker-cement-concrete-construction-carbonation) comment le secteur du ciment peut contribuer à une société plus durable.
Le respect de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique sont au cœur de ses activités, précisément parce qu’il est conscient du fait que son secteur est intensif en CO2 et en énergie et qu’il doit apporter des solutions par l’innovation. En même temps, la Commission européenne a clairement indiqué dans le Green Deal que les secteurs du ciment, de l’acier et de la chimie sont essentiels pour la poursuite des chaînes de valeur en Europe. Pour le secteur du ciment, il s’agit plus spécifiquement du secteur de la construction, qui est l'un des fers de lance du Green Deal. C'est dans ce contexte qu'il souhaite souligner l'importance du ciment et du béton pour la construction d'une société à faible émission de carbone. C'est exactement dans ce cadre qu'il faut considérer la campagne publicitaire dans le métro de Bruxelles.
En ce qui concerne les différents éléments de la plainte, l’annonceur a ensuite entre autres communiqué ce qui suit.
Sur les affiches, l’origine de l’annonce est très claire : Cembureau est mentionné avec l’indication qu’il s’agit de l’association européenne du ciment ; le « tagline » « built in concrete, made with cement » explique qu’il renvoie au cycle de vie complet.
Le renvoi au site web sur les affiches donne l’occasion à tout le monde de faire connaissance avec le secteur et ses efforts pour réduire les émissions de CO2 et augmenter l’efficacité énergétique. Le secteur du ciment est cependant bien conscient de son empreinte carbone et ne la cache absolument pas. La lecture de son site internet et des documents qui y sont disponibles suffit pour le constater.
Il conteste également le manque de connaissances du public sur les aspects environnementaux négatifs du ciment et du béton. Le secteur du ciment fait assez régulièrement l'objet de l'actualité nationale et internationale, l'accent étant toujours mis sur les émissions de CO2 dues à la production de ciment.
L'annonceur a également estimé que, comme pour d'autres produits, on ne peut pas lui reprocher de vouloir mettre en avant les caractéristiques positives de son produit.
Dans sa communication il se laisse guider par des études et analyses techniques et objectives ; de plus, son industrie est très strictement règlementée par un large éventail de législation environnementale (dont la directive sur les émissions industrielles) et par des normes techniques. Chacun de ces instruments réglemente tous les éléments cités par le plaignant. L'industrie du ciment se conforme à toutes les règles légales et va au-delà de ce qui est légalement requis en investissant dans une réduction supplémentaire des émissions, y compris le CO2, et en améliorant l'efficacité énergétique.
Toutes ces analyses et études montrent clairement que la chaleur thermique du béton, sa recyclabilité et sa recarbonisation apportent une contribution positive au développement durable.
Il a réaffirmé qu'il ne dissimule en aucun cas l'intensité en énergie et en CO2 de son secteur mais que c'est le cadre dans lequel il opère et que sa communication n'est pas simplement gratuite ou scientifiquement non fondée. Elle se base sur des analyses, des études, des investissements et une stratégie claire pour une industrie durable.
En ce qui concerne l'allégation de la plainte selon laquelle la campagne représente de manière erronée les impacts de l'ensemble du secteur du ciment, l'annonceur a déclaré que le but des photos choisies est de mettre en évidence les caractéristiques importantes du ciment et du béton :
(i) le ciment et le béton sont des produits relativement peu coûteux, ce qui est important lorsque l'accessibilité financière pour la construction et la rénovation est une préoccupation de la société et des responsables politiques ; il est également bien connu qu'une maison en béton est plus résistante aux conditions climatiques extrêmes et au feu que les maisons ou les structures construites à partir d'autres matériaux ; la sécurité est donc un atout essentiel ;
(ii) le ciment et le béton sont indispensables à la construction de sources d'énergie renouvelables : les photos montrent un barrage hydraulique mais il est bien connu que les éoliennes aussi sont le plus souvent entièrement construites (à l'exception des pales) en béton ;
(iii) la troisième photo montre un tunnel pour un train ou un métro : la durabilité du béton est ici un atout ; il est par exemple difficile d'imaginer qu'un autre matériau que le béton soit utilisé pour le tunnel sous la Manche vers la Grande-Bretagne.
A cet égard, il s'est étonné que le "caractère non durable" d'autres secteurs ou industries soit désormais également mis sur le dos du secteur du ciment : c'est au secteur de l'aviation ou de l'automobile de veiller à réduire leurs émissions, mais ce n'est pas parce qu'ils ne l'ont pas (encore) fait ou pas suffisamment que le ciment ou le béton ne peuvent pas être utilisés dans ces secteurs.
Enfin, en ce qui concerne l'utilisation du terme "sustainable", l'annonceur a rappelé qu'il est clair que la campagne émane du secteur du ciment et que son association est très ouverte en ce qui concerne l'empreinte carbone de l'industrie et ce qu'elle fait à ce sujet ; il n'a en aucun cas affirmé que son produit n'a pas de conséquences sur l'environnement.
Cela dit, l'utilisation du béton présente certains avantages indéniables, notamment en termes de CO2 et d'efficacité énergétique (chaleur thermique, recyclabilité et recarbonisation).
En outre, l'industrie du ciment est un acteur central de la question des déchets et absorbe divers flux de déchets pour en extraire de l'énergie ou des matériaux qui sont ensuite intégrés dans le produit final, la brique et le ciment. L'industrie du ciment joue donc un rôle central dans l'économie circulaire tout en évitant le CO2 provenant des combustibles fossiles et des matières premières.
Sur la base des réalisations de l'industrie du ciment et des propriétés uniques du béton, l'industrie du ciment est, selon lui, certainement bien placée pour promouvoir le mot "durabilité" et le propager dans ses communications externes.
Le Jury a pris connaissance des affiches en question et de la plainte qui les concerne.
Il a tout d’abord souligné qu’il ne ressort pas de sa compétence de se prononcer dans le débat social concernant l’impact environnemental d’une certaine industrie en tant que tel, et qu’il se limite à examiner les contenus publicitaires concernés à la lumière des règles qui les concernent.
À cet égard, le Jury a noté que le plaignant formule différentes objections générales contre cette campagne d’affichage sur la base du Code de la publicité écologique et, concernant deux affiches en particulier, une objection contre l’utilisation du terme « sustainable ».
Suite à la réponse de l’annonceur, il a également noté que sa campagne fait partie d’une communication plus large sur un large éventail de sujets liés à la politique, dont le changement climatique, l'économie circulaire et la construction durable sont des thèmes clés, pour laquelle il renvoie notamment à l’information qui est disponible sur le site web mentionné sur les affiches où il reconnaît que son secteur est intensif en CO2 et en énergie mais souligne également les efforts déployés pour réduire son impact sur l'environnement et la contribution que le produit fini, le béton, peut apporter à la résolution du problème de CO2 qui fait l'objet de la campagne d'affichage actuelle.
A cet égard, le Jury a constaté que les différentes affiches mentionnent clairement le logo de l'annonceur – « Cembureau - The European Cement Association » - et renvoient également clairement au site internet susmentionné.
Il est d'avis qu'il est ainsi suffisamment aisé pour le consommateur moyen de connaître la qualité dans laquelle l'annonceur agit et sa mission.
Dans ce contexte, il est également d'avis que la campagne d'affichage se limite généralement à mettre en évidence l'éventuelle contribution positive du produit final concerné au moyen d'un certain nombre d'exemples, sans pour autant prétendre ou donner l'impression au consommateur moyen que l'industrie dont ce produit final est issu serait dans sa globalité respectueuse de l'environnement ou n'aurait pas d’impact négatif sur l'environnement.
Le Jury a donc estimé que la campagne d'affichage en question n'est pas de nature à jouer abusivement sur les préoccupations environnementales de la société, ni à exploiter un manque de connaissances dans ce domaine.
En sus, il a également estimé que cette campagne d'affichage ne donne pas l'impression de manière injustifiée que les exemples positifs mis en avant par l'annonceur sont représentatifs de l'ensemble de l'activité du groupe d'entreprises concerné, et ne laisse pas non plus croire que ces exemples concernent plus d'étapes du cycle de vie ou plus de caractéristiques du produit en question que ce n'est le cas.
Le Jury a dès lors estimé que la campagne d'affichage en question n’est pas contraire aux articles 1, 3, 4 et 6 du Code de la publicité écologique.
Cependant, en ce qui concerne en particulier l'utilisation du terme « sustainable » dans ce contexte et l'objection formulée par le plaignant à cet égard sur la base des articles 7 et 10 du Code de la publicité écologique, le Jury est d'avis qu'une distinction s’impose entre les deux affiches qui mentionnent ce terme.
En ce qui concerne l’affiche avec l’image d’un tunnel avec des rails et le texte « With concrete, Europe is connected through sustainable transport ! », il est notamment d’avis qu’il est ici clair que le terme « sustainable » concerne le moyen de transport auquel l'image fait référence, sans pour autant donner l'impression qu'il s'appliquerait également, dans son sens absolu, au produit utilisé pour la construction du tunnel et promu par l'annonceur.
En ce qui concerne l’affiche avec l’image d’une maison avec le texte « With concrete, Europe builds safe, sustainable & affordable housing ! », le Jury est au contraire ici d’avis que l’utilisation du terme est effectivement ambiguë et crée l'impression qu'une maison construite avec le produit promu par l'annonceur sera de toute façon durable en raison d'une certaine durabilité intrinsèque de ce produit.
Il a donc estimé que cette affiche utilise une terminologie environnementale d'une manière qui crée la confusion et, en particulier, implique dans ce cas que le produit en question n'a pas d’impact sur l'environnement.
Compte tenu de ce qui précède et sur la base des articles 7 et 10 du Code de la publicité écologique, le Jury a donc demandé à l’annonceur de modifier sur ce point l’affiche avec l’image de la maison et à défaut, de ne plus diffuser cette affiche.
L’annonceur a interjeté appel contre la décision du Jury de première instance.
Position annonceur en appel
En appel, l'annonceur a tout d'abord fait valoir que, selon l'article 7 du Code de la publicité écologique, des expressions, affirmations ou slogans absolus impliquant que des produits n’ont pas d’effets sur l’environnement sont interdits.
L’article donne deux exemples de telles expressions, à savoir qualifier un produit de « bon pour l’environnement » ou « écologiquement sûr ». Bien que l'article 7 ne fournisse pas une liste exhaustive des termes entrant dans son champ d'application, il doute que ce soit le cas pour le terme « sustainable » utilisé dans sa publicité.
En effet, dans sa campagne d'affichage, il s’agit de l'utilisation du terme « sustainable » qui se traduit par « durable ». Il comprend non seulement un élément environnemental mais aussi un élément social et un élément économique.
C'est ce que confirment les textes de la Commission européenne qui le décrivent clairement : « Sustainable development aims to meet the needs of present generations without jeopardising the ability of future generations to meet their own needs. It provides a comprehensible approach bringing together economic, social and environmental considerations in ways that mutually reinforce each other ».
Les Nations Unies se réfèrent également à cette définition lorsqu'elles présentent leurs Sustainable Development Goals : « For sustainable development to be achieved, it is crucial to harmonize three core elements: economic growth, social inclusion and environmental protection. »
Selon l'annonceur, le terme « sustainable » est donc plus large que les termes utilisés dans l'article 7 du Code de la publicité écologique. Par conséquent, lorsque le Jury déclare que l'affiche utilise une terminologie environnementale, il ignore le fait qu'une terminologie plus large qu'une terminologie environnementale est utilisée ici. Il est d'avis que le mot "durable" ne peut être mis sur le même plan que les termes "bon pour l'environnement" ou "écologiquement sûr".
En faisant entrer le terme durable dans le champ d'application de l'article 7, le Jury a, selon lui, mal interprété cette disposition et a donc constaté à tort une violation des articles 7 et 10.
Deuxièmement, l'annonceur a fait valoir que l'utilisation du mot durabilité ne suggère pas que le produit n'a pas d'impact sur l'environnement. Il est vrai qu'il répond au critère de durabilité en raison de ses qualités intrinsèques, qui incluent l'environnement :
(i) Le ciment et le béton sont socialement durables car ils durent très longtemps (les bâtiments peuvent recevoir d'autres fonctions pendant leur durée de vie de 50 à 100 ans), sont très résistants au feu et financièrement accessibles aux consommateurs (matériau relativement économique) ;
(ii) Le ciment et le béton sont écologiquement durables en raison de la recyclabilité du béton, de sa chaleur thermique (qui permet également de stocker cette chaleur sous forme d'énergie et de l'injecter dans le réseau) et de son potentiel de recarbonation par lequel le CO2 est à nouveau stocké dans le matériau, comme cela a déjà été évoqué dans les arguments en première instance ;
(iii) Enfin, le ciment et le béton sont économiquement durables car ils constituent la base de nombreuses sources d'énergie renouvelables (de plus en plus d'éoliennes sont construites en béton ; les barrages sont construits en béton) et de travaux d'infrastructure nécessaires.
En affirmant que la campagne publicitaire, par l'utilisation du mot « durable », suggère que le produit n'a pas d'impact sur l'environnement, le Jury a fait une application erronée, selon l'annonceur, du terme « durable » tel que connu dans les instruments juridiques internationaux. L'interprétation adoptée par le Jury le limite dans l'utilisation d'un terme essentiel et largement connu qui, en effet, sur la base des qualités intrinsèques du produit, permet au produit de contribuer à la durabilité d'un bâtiment ou d'une infrastructure.
Défense plaignant en appel
Le plaignant répond au premier argument de l'annonceur que le terme « durable » est un slogan tout aussi absolu que « écologique », puisque la dimension environnementale de la durabilité est aussi centrale que les dimensions économique et sociale. Par conséquent, le terme « durable » est certainement un terme lié à l'environnement - et il est également compris comme tel par la société. L'affirmation de l'annonceur selon laquelle le terme « durable » utilise une terminologie plus large est correcte, mais selon le plaignant, elle n'enlève rien au raisonnement du Jury : l'aspect environnemental du mot « durable » est d'une importance capitale, et le terme durable ne peut être utilisé sans reconnaître les aspects environnementaux. La « durabilité » du ciment garantirait alors la durabilité du bâtiment. Il approuve donc la décision du Jury en première instance selon laquelle le terme « sustainable » implique bien une terminologie environnementale. L'utilisation du terme environnemental « sustainable » sur l'affiche prête donc à confusion selon lui, et constitue une violation de l'article 10 du Code de la publicité écologique.
Deuxièmement, le plaignant n'est pas d'accord que le ciment répond au « critère de durabilité ». Un produit durable est durable sur le plan social, environnemental et économique. Si l'un de ces critères peut être remis en question, le produit ne peut être étiqueté comme durable.
1. Environnement : dommages minimaux à l'environnement, non seulement aujourd'hui mais aussi à l'avenir.
Le ciment n'est pas un produit écologiquement durable. La production de ciment entraîne non seulement des dommages environnementaux directs (excavation de sable, émission de métaux lourds et de substances cancérigènes), mais aussi des polluants qui renforcent le changement climatique, avec des conséquences désastreuses pour les générations actuelles et futures. Cet impact ne peut être minimisé. Sur le plan écologique, le ciment ne peut en aucun cas être qualifié comme durable selon lui. L'argument de l'annonceur selon lequel il ne devrait pas être inférieur à d'autres matériaux en termes de durabilité environnementale n'est pas pertinent ici. Si aucun matériau de construction n'était durable, cela ne signifierait pas pour autant que les matériaux les moins nuisibles à l'environnement seraient autorisés à obtenir le label « durable ».
2. Social : les gens ne doivent pas être affectés par le produit et il doit y avoir des avantages importants pour les gens.
Le plaignant ne conteste pas que le ciment est aujourd'hui un matériau de construction important et qu'il peut présenter certains avantages. Toutefois, pour être socialement durable, il ne faut pas seulement des avantages, il doit surtout ne pas y avoir d'inconvénients. La production de ciment cause des dommages à la santé par l'émission de substances cancérigènes et de substances qui détériorent la qualité de l'air. Cela sape les avantages sociaux du ciment, et la production de ciment ne peut donc être considérée comme socialement durable.
3. Economie : possibilité de croissance économique à long terme qui ne compromet pas les deux premiers critères.
Les impacts climatiques du ciment provoquent, accélèrent et aggravent le changement climatique. L'industrie du ciment contribue indéniablement au réchauffement de la planète, ce qui entraînera des dommages socio-économiques pour les générations actuelles et surtout futures. Il est donc d'avis que l'industrie du ciment ne peut être décrite comme économiquement durable. L'argument de l'annonceur selon lequel l'utilisation du ciment et du béton peut contribuer à la solution du problème du CO2 est unilatéral et non pertinent. Après tout, le ciment et le béton sont également utilisés pour la construction de projets et d'infrastructures énergétiques non durables (par exemple, les centrales électriques au charbon, les aéroports...).
Décision Jury d’appel
Le Jury d’appel a pris connaissance du contenu de la publicité en question et de tous les éléments et points de vue communiqués dans ce dossier.
Il a notamment noté que la partie de la décision de première instance contre laquelle l'annonceur concerné a interjeté appel concerne une des trois affiches de la campagne, celle avec l’image d’enfants jouant avec leurs parents devant une maison, avec le texte « With concrete, Europe builds safe, sustainable & affordable housing ! ».
Il a également noté que, selon le Jury de première instance, cette affiche est contraire au Code de la publicité écologique en raison d'une utilisation ambiguë du terme « sustainable » qui donne l'impression qu'une maison construite avec le produit promu par l'annonceur sera de toute façon durable en raison d'une certaine durabilité intrinsèque de ce produit.
À ce sujet, le Jury d’appel tient notamment à souligner que, contrairement à l'autre affiche de la campagne (avec un tunnel ferroviaire) qui mentionne le terme « sustainable » et pour laquelle aucune remarque n'a été formulée en première instance, l'affiche en question mentionne le terme « sustainable » dans une énumération avec les termes « safe » et « affordable ».
Tout en reconnaissant que le concept de « sustainable » ou « durable » peut avoir différentes dimensions - une dimension sociale, une dimension environnementale et une dimension économique, comme l'a également fait valoir l'annonceur dans sa requête - il lui semble que, s'agissant de l'affiche spécifique en question, ces trois dimensions différentes sont également chacune représentée par un terme distinct sur l'affiche.
Selon le Jury, on peut donc difficilement soutenir qu'une affiche qui utilise des adjectifs distincts pour chacune de ces dimensions n'utilise pas le terme « sustainable » dans ce contexte de manière environnementale. Il est également d'avis que cette impression est encore renforcée par la référence à « lowcarboneconomy » dans le nom du site web de la campagne auquel l'affiche fait référence et que, dans ce contexte, le consommateur moyen percevra également le terme comme faisant référence aux caractéristiques environnementales du logement auquel cet adjectif est associé.
Compte tenu de l'impression créée, déjà mentionnée par le Jury en première instance, que toute maison construite avec le produit promu par l'annonceur sera nécessairement elle-même durable sur le plan environnemental, le Jury d’appel est donc d'avis que cette affiche utilise effectivement la terminologie environnementale d’une manière qui crée une confusion au sens de l'article 10 du Code de la publicité écologique.
Le Jury d’appel a dès lors estimé que l’affiche en question est bien contraire à l’article 10 du Code de la publicité écologique.
Toutefois, contrairement au Jury de première instance, il est d'avis que l'affiche ne donne pas pour autant de manière absolue l'impression que le produit en question n'a pas d’impact sur l'environnement au sens de l'article 7 du Code de la publicité écologique. Le Jury d’appel a donc estimé de ne pas devoir constater d’infraction à cette disposition, sans que cela n'affecte sa décision finale négative sur l'affiche en question.
Le Jury d’appel déclare donc l’appel non fondé et confirme la décision du Jury de première instance dans la mesure où elle se fonde sur une infraction à l'article 10 du Code de la publicité écologique.
Compte tenu de ce qui précède et sur la base de l’article 10 du Code de la publicité écologique, le Jury a donc demandé à l’annonceur de modifier l’affiche en question et à défaut, de ne plus la diffuser.
La décision du Jury d’appel est définitive.
L’annonceur a confirmé qu’il respectera la décision du Jury.
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